Agriculture : la malédiction du soja

La malédiction du soja

Objet de toutes les convoitises depuis le début de la crise ukrainienne, le soja est, depuis trois ans au Bénin, la principale pomme de discorde entre un gouvernement déterminé à maîtriser totalement les intérêts autour de cette spéculation, et des producteurs inquiets de voir s’éroder leur liberté économique.

Par Bruno Charles

Le Bénin n’a jamais autant produit de soja de toute son histoire. D’à peine 57.000 tonnes en 2016, la quantité de cette légumineuse récoltée en 2024 est estimée à 520.000 tonnes, selon les chiffres du gouvernement du Bénin. C’est une progression de 89% en seulement 8 ans. Une croissance fulgurante qui témoigne de la vitalité d’une filière devenue presque aussi précieuse pour les autorités béninoises que le coton. L’installation d’une unité de transformation au Bénin (la GDIZ du groupe indien ARISE) est certes passée par là. Mais c’est en pleine crise ukrainienne que la tension autour de ce produit s’est exacerbée. À la suite du blocus par l’armée russe du port d’Odessa, la demande de soja avait explosé et les prix, grimpés en flèche, ouvrant un appel d’air pour les spéculateurs de tout genre.

Violation de liberté économique

Par décret pris le 12 octobre 2022, le gouvernement décidera de l’interdiction de l’exportation du soja. Cette décision vise à se protéger principalement contre la pression de la demande chinoise, et celle du Togo portée par la plateforme industrielle d’Adétikopé (PIA), une plateforme intégrée d’industrie et de logistique implantée à une vingtaine de kilomètres au nord de Lomé. Ironie de l’histoire, PIA fait partie du portefeuille du même groupe indien en œuvre à Glo-Djigbé (Bénin). Mais c’est le 1er avril 2024 que l’interdiction béninoise entre véritablement en vigueur, empêchant les producteurs béninois de vendre leur produit à des prix parfois deux fois plus intéressants que celui fixé par le gouvernement béninois. Une manne à laquelle les producteurs et commerçants béninois ont du mal à renoncer. Alors, le gouvernment monte en escalade pour couper physiquement l’accès du soja au territoire togolais. À sa demande, des tranchées ont été creusée sur les pistes reliant les deux pays, quand ce ne sont pas des blocs de pierre qui y sont déposés.

Tour de vis

Le gouvernement ne peut pas se permettre de laisser fuir cette matière première si précieuse pour l’unité de transformation qu’il a fait installer. Il y a quelques jours, il a donné un nouveau tour de vis au contrôle de la chaîne des valeurs. Désormais, il faut une autorisation spéciale même pour déplacer la récolte de soja du champ vers sa maison. Une décision très mal accueillie par les acteurs de la filière.

Bien que gratuite, la fiche de convoyage va engendrer immanquablement des frais supplémentaires pour les producteurs. Il leur faut se déplacer pour aller chercher ladite fiche dans le service de douane le plus proche, ce qui engage naturellement des frais. Enfin, ce qui dérange les agriculteurs, c’est qu’ils n’ont pas été associés à la prise des mesures régulant le secteur. En dehors des acteurs de la filière, d’autres réactions ont été enregistrées. À la session budgétaire à l’assemblée nationale, le groupe parlementaire Les Démocrates avait dénoncé la mesure.

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