Les bases administratives et juridiques devant permettre aux afro-descendants des Amériques et des Iles Caraïbes d’obtenir la nationalité béninoise sont désormais actées. Après son vote, la loi a été promulguée par le Chef de l’Etat, Patrice Talon, le 2 septembre 2024, apprend-on. Au-delà d’une réparation historique, cette loi semble plus viser un électorat qui peut avoir du poids en 2026.
D’entrée, c’est le premier chapitre de la loi n°2024-31 du 2 septembre 2024 relative à la reconnaissance de la nationalité béninoise aux Afro-descendants en République du Bénin, en ce qui concerne les dispositions générales, qui définit les conditions et les modalités spécifiques suivant lesquelles tout afro-descendant peut acquérir la nationalité béninoise. Selon les dispositions, « est afro-descendant, au sens de la présente loi, toute personne qui, d’après sa généalogie, a un ascendant africain subsaharien déporté hors du continent africain dans le cadre de la traite des Noirs et du commerce triangulaire. » (Cf art. 2). Cette disposition prouvée, tout afro-descendant âgé de dix-huit ans révolus, ressortissant d’un Etat ou territoire non africain et disposant de la preuve de son afro-descendance, peut obtenir la nationalité béninoise par reconnaissance. Toutefois, cette loi promulguée par le Chef de l’Etat, Patrice Talon, accorde une faveur spécialement, en son article 5, aux personnes d’origine africaine subsaharienne nées avant 1944 dans les Etats ou territoires de déportation. Celles-ci sont réputées d’office afro-descendantes.
Des implications inavouées !
Le vote par le parlement et la promulgation de cette loi par Patrice Talon, n’est en réalité que la concrétisation ou l’aboutissement heureux des ambitions longtemps nourries par ses prédécesseurs. En effet, l’idée avait germé après la table ronde qui a eu lieu durant les manifestations de Ouidah 92. Elle était un vœu cher au premier Président de l’ère démocratique du Bénin, Nicéphore Dieudonné Soglo. C’est dans ce cadre d’ailleurs qu’avait foulé la terre de Houégbadja et de Bio Guerra, la famille Dja. A cette dernière, devraient succéder d’autres afro-descendants désireux de retourner sur la terre de leurs aïeux. Sans pour autant faire avancer les dispositions et les conditions, les régimes du feu Général Mathieu Kérékou et de Thomas Boni Yayi, sans la ranger au placard, ont relégué cette décision pratiquement au second plan. Cette promulgation intervient enfin comme la concrétisation d’un rêve vieux de trente deux (32) ans. L’Etat étant une continuité. Le Bénin vient donc de prendre le relais du Ghana en Afrique de l’Ouest et de l’Ethiopie en Afrique de l’Est et de l’Afrique du Sud en Afrique Australe.
Mais, au-delà de la vision de réparer un tort historique en permettant aux Afro-descendants de disposer des pièces d’identité en tant que Béninois et Africains, il y a lieu de ne pas perdre de vue une visée politicienne que sous-tend cette loi. Elle est perceptible à travers les articles 14 et 15. En effet, si l’article 14 qui stipule que « la nationalité béninoise par reconnaissance confère au bénéficiaire la liberté d’entrée, de séjour et de sortie du territoire de la République du Bénin. Le bénéficiaire a droit à l’établissement de la nationalité béninoise par reconnaissance et d’un passeport béninois(…) », l’article 15 vient installer les bénéficiaires dans les mêmes droits que les Béninois résidents : « Les bénéficiaires de la nationalité béninoise par reconnaissance peuvent acquérir, à tout moment, la pleine nationalité béninoise et tous les droits qui y sont rattachés, conformément à la législation sur la nationalité ». En d’autres termes, les Afro-descendants qui parviendront à acquérir la nationalité béninoise par reconnaissance détiendront les droits civiques comme tout Béninois lambda. Ils pourront participer aux opérations de vote, voire se faire élire.
Les échéances de 2026 en ligne de mire ?
L’intérêt de plus en plus poussif et accru du Chef de l’Etat aux Etats de l’Amérique du Sud et des Iles Caraïbes n’est pas anodin. Certes, le développement du tourisme est un pan crucial du Programme d’actions du gouvernement. Cela n’enlève pas au gouvernement, surtout à son Chef, de viser l’électorat afro-descendant. Avec la numérisation et la digitalisation des procédures d’obtention des pièces d’identification personnelle, il est facile au régime de la ‘’Rupture’’ de naturaliser des Afro-descendants qui pourront participer aux différentes échéances électorales, au cas où celles-ci seront organisées dans les capitales de ces Iles Caraïbes et dans les pays d’Amériques du Sud.
Pour avoir ‘’décrété’’ publiquement la gouvernance avec la ruse et la rage, l’implication politicienne de cette loi ne doit pas échapper à la classe politique, notamment, l’opposition. Les signes ne manquent pas : l’organisation de l’exposition ‘’Révélation ! Art contemporain du Bénin’’ en Martinique du 15 décembre 2023 au 31 mars 2024, l’organisation des ‘’Vodun days 2024’’ du 9 au 10 janvier 2024, l’institution désormais de la fête des religions traditionnelles le deuxième vendredi de chaque mois de janvier, avec comme bonus, la journée de la veille chômée et payée… En d’autres termes, la fête traditionnelle du vodoun qui se célébrait en une journée, s’étend désormais sur quatre (4) jours.
Lire l’intégralité de la loi ici :