Mandat d’arrêt contre Ouanilo Fagla Mèdégan: Le Bénin tente de négocier dans le plus grand secret

Plusieurs missions secrètes de négociations envoyées à Lomé depuis l’annonce des poursuites contre les kidnappeurs de Steve Amoussou, sont rentrées bredouilles. Lomé exige plus que jamais qu’on lui livre Ouanilo Fagla Mèdégan et sa bande.

Par Julien Coovi 

L’affaire Steve Amoussou, du nom de ce jeune Béninois kidnappé le 12 août dernier par des barbouzes béninois à Lomé et livré aux autorités béninoises, n’a pas fini de livrer ses secrets. Comme l’a prédit un de nos analystes, cet incident a eu l’effet d’une étincelle jetée dans les relations déjà très électriques entre les deux États. Le gouvernement du Togo qui, par souci de préservation des bonnes relations avec son voisin, a avalé couleuvre sur couleuvre depuis plusieurs années face aux nombreux excès de son voisin, aurait visiblement décidé de profiter de cette énième provocation pour trancher le nœud gordien et ramener définitivement Cotonou à la raison. La mise en examen des auteurs et complices présumés de l’enlèvement de Steve Amoussou ferait partie de cette stratégie. 

Missions secrètes

De toute évidence, personne à Cotonou n’a préalablement mesuré les conséquences de l’audace dont a fait preuve le patron du Centre National des Investigations Numériques (CNIN). Contrairement à ce à quoi ils se sont habitués, les événements qui se sont enchaînés après le rapt du jeune Steve Amoussou leur échappent complètement. Si les relations diplomatiques officelles entre les deux pays se sont maintenues, malgré l’incident, c’est sur le terrain du droit international que les autorités du Togo veulent enfermer l’État béninois.

Cette fois-ci, Lomé ne bluffe pas, et Cotonou l’a bien compris qui a pris l’initiative d’un règlement à l’amiable de cette crise qui l’embarrasse au plus haut point. Quelques jours après l’annonce des poursuites contre les kidnappeurs présumés, une délégation du ministère béninois de la justice accompagnée de quelques personnes ressources ,s’est rendue discrètement à Lomé au moins à deux reprises, pour prendre langue avec leurs homologues togolais. Selon des sources béninoises, l’accueil de la délégation a été des plus cordiales, dans la pure tradition diplomatique du pays de Gnassingbé Éyadéma. Mais les autorités togolaises sont restées fermes sur leurs exigences : la mise à leur disposition des personnes mises en cause dans ce dossier n’est pas négociable. 

Sauver le soldat Ouanilo 

L’inculpation de l’un des plus proches collaborateurs du président Patrice Talon est le véritable caillou dans la chaussure du gouvernement béninois. Il faut le rappeler, si le dispositif sécuritaire du régime Talon était un échiquier, monsieur Ouanilo Fagla Mèdégan incarnerait parfaitement le rôle de la Tour. C’est lui en effet qui, depuis 2016, est chargé de la surveillance électronique et de la traque des rivaux politiques et économiques des caciques du régime. Ses résultats, de ce point de vue, sont plutôt satisfaisants. Sous le couvert de la lutte contre les réseaux criminels sur internet, son nouveau service (le CNIN) a même récemment reçu un appui financier et technologique déterminant du gouvernement français. Ces moyens ont-ils été détournés pour servir des objectifs de police politique ? Difficile de le savoir pour l’instant. Mais l’affaire Ouanilo pourrait facilement se transformer en un scandale international si elle n’est pas immédiatement et efficacement maîtrisée. 

Il faut donc éteindre le feu par tous les moyens. L’objectif de Cotonou est de réussir à extirper Ouanilo Fagla Mèdégan de ce piège qui se referme irrésistiblement sur lui, en faisant lever les poursuites de la justice togolaise spécifiquement contre lui. Étant entendu que ce piège pourrait entraîner avec lui des personnes plus importantes encore. Le procès et la condamnation pour enlèvement et séquestration des sieurs Jimmy Gandaho et Géraud Gbaguidi, par la CRIET le 3 septembre, participeraient de la manœuvre de blanchiment de monsieur Ouanilo Fagla Mèdégan

Lomé plus déterminé que jamais

Sans surprise, la cour de répression des infractions économiques, du terrorisme et des infractions connexes a relaxé le directeur général du centre national des investigations numériques (CNIN) “au bénéfice du doute”, alors qu’il n’était même pas sur la liste des accusés dans ce procès. Selon plusieurs sources, le caractère improvisé et grotesque de ce procès aurait eu exactement l’inverse de l’effet recherché, il aurait contribué à durcir davantage la position des autorités judiciaires du Togo qui seraient plus déterminées que jamais à juger les auteurs, et tous les auteurs de cet enlèvement.

En attendant, le directeur général du centre béninois des investigations numériques ne peut plus quitter le territoire béninois.

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