Une semaine après son rapt spectaculaire à Lomé, Steve Amoussou a été inculpé pour trois faits dont celui « d’incitation directe à la rébellion ». Une accusation pour laquelle il risque une peine très lourde.
Par Julien Coovi
L’information est tombée l’après-midi de ce mardi 20 août 2024. Monsieur Steve Amoussou, kidnappé la nuit du 12 août dernier dans la banlieue ouest de Lomé, a été placé sous mandat de dépôt après un courte audition devant le Procureur Spécial de la CRIET. Une source proche du dossier indique que le patron du parquet de la Cour de Répression des Infractions Économiques, du Terrorisme et des infractions connexes (Criet) a dû écourter ses vacances pour venir s’occuper de cette affaire qui défraie la chronique depuis une semaine. Présenté comme étant ‘’Le Frère Hounvi’’, Mario Mètonou a formellement inculpé Steve Amoussou de « harcèlement par voie électronique, initiation et publication de fausses nouvelles et incitation directe à la rébellion ». Trois chefs d’accusation qui confirment que c’est bien pour les chroniques hebdomadaires du ‘’Frère Hounvi’’ que Steve Amoussou a été inculpé. Vendredi dernier, les officiers de police judiciaires qui ont auditionné Steve Amoussou ont déposé devant lui cent soixante-dix (170) contenus audios pour lesquels ils lui ont demandé des preuves des allégations qui y ont été faites.
Vice de procédure ?
Placé en détention, Steve Amoussou devra comparaître le 7 octobre 2024 pour l’audience de confirmation des charges. Mais en attendant, on n’en sait pas plus sur les conditions de l’arrestation du mis en cause qui font polémique depuis le 13 août. L’opposition béninoise s’est dite scandalisée par le récit du rapt de Steve Amoussou présenté par son avocat, Me Aboubacar Baparapé. Même tonalité du côté de l’ordre des avocats du Bénin qui a rendu public mardi soir un communiqué dans lequel il a fustigé « la violation flagrante des normes juridiques en vigueur dans notre pays », après avoir rappelé les dispositions du code de procédure pénale en matière d’interpellation.
Le bâtonnier Angelo Aimé Hounkpatin a rappelé en effet que s’il était effectivement sur un territoire étranger au moment de son interpellation, le prévenu aurait dû faire l’objet d’un mandat d’arrêt international et les autorités béninoises auraient dû requérir la coopération de leurs homologues togolaises.
Calvaire judiciaire
Plusieurs spécialistes estiment que si les allégations de Me Baparapé et de Martin Rodriguez, l’un des soutiens de Steve Amoussou sur les conditions d’arrestation sont avérées, ce serait logiquement une cause de nullité de la procédure. Mais les antécédents de la Criet avec les opposants politiques ne poussent guère à l’optimisme.
Dans les deux premiers cas de rapt les plus retentissants, ceux de l’ex-garde des Sceaux Réckya Madougou et du Professeur Joël Aïvo, la Criet a ignoré les protestations de la défense et blanchi les conditions extraordinaires de leur arrestation, avant de les condamner à de lourdes peines de prison (respectivement 20 ans et 10 ans de prison ferme) au bout d’un long et éprouvant calvaire judiciaire.
Tout indique que Steve Amoussou que le pouvoir soupçonne d’être un instrument au service de ses adversaires économiques et politiques en exil, n’y échappera pas.