Au pays où le droit est mort, les procédures judiciaires apparaissent comme de la caricature. Un nouvel épisode passionne l’opinion béninoise et internationale dès l’aurore du 13 août 2024 à l’annonce du rapt spectaculaire, la veille au soir, d’un individu en territoire togolais.
La seule signature de l’opération était la plaque minéralogique d’origine béninoise d’un véhicule aperçu par les témoins de l’opération. Négligence, amateurisme ou auto-sabotage ? Puis, la clameur populaire s’est enflammée davantage lorsque l’une des figures de proue des exilés béninois, Martin Rodriguez a révélé au micro de notre confrère Jules Djossou que le kidnappé de Adjidogome à Lomé n’était rien d’autre que le “Frère Hounvi”. Soit !
Et c’est à partir de là que tout s’entremêle, dans une “ruse” et une “rage” indescriptibles. “Le Frère Hounvi”, pour l’imaginaire collective, c’est une voix, la signature orale d’une satire politique sous forme de billet très prisé sur les réseaux sociaux. Personne ne connait le visage encore moins le nom de son auteur. On devine aisément qu’il doit s’agir d’un tribun hors pair, homme de verve et de verbe, un amoureux des belles lettres mais très remonté contre le régime de Talon ; un profil jamais revendiqué. D’où la question de savoir ce qui fonde les uns et les autres à reconnaître en Steve Amoussou, l’homme ramené du Togo, le truculent “Frère Hounvi”.
D’entrée de jeu, tout le monde s’accorde à trouver cette opération inédite dans les annales de la police béninoise parce que nécessitant de gros moyens en logistique et en renseignements de part et d’autre de la frontière. La seule unité connue capable de se projeter si loin et si vite, est celle chargée de traquer les cybercriminels et qui bénéficie justement d’un appui logistique et financier considérable de la part de la coopération française. Ceci pourrait constituer pour le “kidnappé” un gage de sécurité puisque la France ne saurait cautionner que sa coopération policière avec le Bénin et le Togo dans le cadre de la traque sans merci des cybercriminels soit souillée et compromise par des éliminations physiques d’opposants d’un côté comme de l’autre. Ce qui pourrait également expliquer pourquoi le prévenu s’est retrouvé aussi rapidement dans les locaux de la police béninoise assistée de ses avocats dans un contexte marqué par un lourd silence des autorités béninoises et togolaises. Apparemment Pierre Urbain Dangnivo n’a pas bénéficié de ces circonstances malgré l’alerte et le tapage qui ont suivi aussitôt sa disparition le 17 août 2010.
Cette hypothèse amène à soupçonner la police béninoise d’avoir détourné les moyens de la lutte contre la cybercriminalité au profit d’une cause politicienne. Cela garantit néanmoins au prévenu une sécurité pour sa vie et son intégrité physique d’autant plus que la police béninoise n’est pas réputée pour tremper dans les assassinats ou des disparitions pour des mobiles politiciens. Néanmoins, l’opinion reste dubitative sur la marge de manœuvre de la justice qui doit pouvoir donner une contexture légale à l’opération de Lomé orchestrée sans mandat d’arrêt international.
L’existence d’une pile de bandes audios piquées sur une page Facebook paraît trop maigre pour relier une voix, probablement traficotée, à un état civil avant même que le débat sur le fond ne commence. Surtout en l’absence des supports numériques personnels de l’intéressé (ordinateurs, portables etc…). Engloutir tant de moyens dans la filature, la surveillance, les renseignements, la logistique, les communications et la barbouzerie en tout genre, sur une certaine période, pour passer finalement à côté de l’essentiel, c’est-à-dire une arrestation en toute légalité suivie de perquisition. Ironie du sort, la réussite de la procédure repose désormais sur la bonne foi supposée de sieur Steve Amoussou. Tout ça pour ça !
C’est qui finalement le “Frère Hounvi” des Béninois ?