Bénin / Interpellation de Steve Amoussou : Le barreau constate enfin les dérives de la justice sous Talon

Le silence de l’ordre des avocats lors des kidnappings de Réckya Madougou, de Joël Aïvo et de dizaines d’autres détenus d’opinion était interprété comme une caution aux abus de la police et de la Criet.

L’actualité qui défraie la chronique ne laisse pas indifférent l’ordre des avocats du Bénin. L’arrestation dans des conditions encore non élucidée du sieur Steve Amoussou, sa comparution devant le Procureur Spécial et son placement sous mandat de dépôt ce mardi 20 août ont sorti l’ordre des avocats du Bénin du mutisme où il s’est plongé depuis environ sept (7) ans.

Dans un communiqué publié quelques heures après le placement en détention de monsieur Steve Amoussou, l’ordre des avocats du Bénin a publié un communiqué plutôt acerbe contre l’appareil judiciaire et contre les conditions de l’arrestation du prévenu. « S’il est admis que dans un État de droit, nul n’est au-dessus de la loi, et que toute violation y afférente mérite d’être réprimée, il est tout aussi prescrit, voire exigé que les modalités de poursuite et de répression y soient strictement conformes », prévient le Bâtonnier Angelo Hounkpatin. En rappelant les dispositions de la loi béninoise en matière de mise à la disposition de la justice, de citoyens béninois résidant à l’étranger, ainsi que les dispositions des articles 8 et 18 de la constitution sur l’inviolabilité de la personne humaine et sur l’interdiction de la torture, des sévices et de tout traitement inhumain et dégradant, le président du conseil de l’ordre a exprimé l’inquiétude de son institution devant le silence des autorités judiciaires face aux traitements qu’aurait subis le sieur Steve Amoussou. « C’est pourquoi l’ordre des avocats qui concourt au service public de la justice, s’inquiète et s’interroge sur cette violation flagrante des normes juridiques en vigueur au Bénin », indique le communiqué.

Graves précédentsL’ordre des avocats du Bénin appelle enfin la police judiciaire et les autorités de poursuite « à plus de retenue dans leurs actes qui doivent être à tous les égards et à chaque instant, respectueux de la loi et de la personne humaine ». En des termes plus directs, les avocats du Bénin considèrent que la police et les procureurs violent la loi et ne respectent pas les droits élémentaires de la personne humaine.

Mais l’ordre des avocats du Bénin qui s’inquiète de la violation de la loi par les personnes en charge de la faire respecter et de la violation des droits de l’homme, l’événement est devenu suffisamment rare au Bénin pour être souligné et salué. Depuis la création de la Cour de Répression des Infractions Économiques, du Terrorisme et de Infractions Connexes (CRIET) en 2018 on ne compte plus les rapts spectaculaires de dissidents (opposants politiques, journalistes, syndicalistes, etc.) Le 3 mars 2021, l’ancienne ministre de la justice Réckya Madougou était kidnappée sur le pont de Porto-Novo alors qu’elle revenait d’un meeting de l’opposition. 43 jours plus tard, ce sera le tour du candidat du Front pour la Restauration de la Démocratie (FRD), le professeur Frédéric Joël Aïvo. Il est intercepté sur le pont de Godomey à son retour de cours, et conduit manu militari à la Brigade Économique et Financière (Bef).

Leurs avocats ont beau protester contre la violation de la loi, la Criet est allée jusqu’au bout en condamnant les deux personnalités à de lourdes peines de prison. À chaque fois l’ordre des avocats du Bénin s’était muré dans un profond silence laissant la machine politico-judiciaire imaginée par le président Talon et son ancien ministre de la justice Sévérin Maxime Quenum se déployer à l’envi. « Notre silence n’était plus seulement de l’indifférence, il était devenu un facteur déterminant de la folie qui s’est emparée de notre police et de notre système judiciaire », reconnaît sous anonymat un ancien ténor du barreau du Bénin qui a confié à Olofofo sa fierté de voir enfin le conseil de l’ordre retrouver l’une de ses missions traditionnelles : la défense du droit et des libertés.

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