Des magistrats burkinabés réquisitionnés par Ibrahim Traoré pour aller combattre au front les djihadistes. Leur crime est d’avoir lancé des poursuites contre des personnes réputées proches du régime. Avocats, magistrats et syndicats s’activement pour dénoncer ce qu’ils assimilent à une dérive dictatoriale.
Depuis ce 9 août 2024, le capitaine Ibrahim Traoré à la tête du Burkina Faso s’en prend à des magistrats qu’il menace d’envoyer sur le front des batailles « participer aux opérations de sécurisation du territoire » auprès d’une unité militaire de Kaya, dans le nord du pays, pour une durée renouvelable de trois mois. Le régime, ayant d’ores et déjà mis la main sur cinq d’entre eux, détenus depuis ce mercredi 14 août, l’opinion ignore si la menace a été déjà mise à exécution. Les deux autres risquent de subir le même traitement. Tandis que la justice déclare les procédures illégales et contraires « aux libertés fondamentales », l’intersyndicale des magistrats dénonce via un communiqué officiel des « agissement qui témoignent de la volonté à instaurer une justice à double vitesse », « contraire à la lettre et à l’esprit de la Constitution » du Burkina Faso. L’intersyndicale tisse un lien entre ces actes de réquisition « sélectives et ciblées » et des procédures entamées par les victimes, ciblant des chantres du régime du capitaine Ibrahim Traoré.
Ainsi, selon le communiqué signé, ce 15 août, des secrétaires généraux des syndicats des magistrats au Burkina Faso, le procureur du Faso près le tribunal de grande instance de Ouaga 1, le doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Ziniaré, le procureur du Faso près le tribunal de grande instance de Boromo et le procureur du Faso près le tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso ainsi que son substitut ont été réquisitionnés parce qu’ils ont – chacun, en ce qui le concerne – engagé des poursuites contre un certain Adame Siguire dans le cadre de la disparition de certaines personnes, ont traité le dossier d’un citoyen « se réclamant être un soutien du pouvoir, ayant instigué des activités d’orpaillages interdites provoquant un éboulement entraînant la mort d’une soixantaine de personnes », ont instruit « des poursuites contre un soutien du pouvoir et des volontaires de Défense pour la Patrie qui volaient du bétail dans les campagnes de ladite localité pour aller vendre à Bobo-Dioulasso », et ont interpellé l’imam Mahamadou Barro qui avait appelé ses fidèles « identifier les domiciles et les véhicules des procureurs du Faso qu’il traite de “terroristes”, à l’effet d’organiser des attentats contre leurs véhicules et de les assassiner ». Pure coïncidence ou faits avérés, toutes ces personnes que ces mêmes magistrats aujourd’hui réquisitionnés ont « osé » mettre face à leurs responsabilités, ont des affinités avec le pouvoir en place, écrivent-ils.
Les syndicats des magistrats dénoncent ainsi une dérive dictatoriale, une pente glissante qu’emprunte le régime d’Ibrahim Traoré. En effet, lors de son discours de politique générale, prononcé des jours plus tôt, le capitaine avait prévenu les acteurs du système judiciaire : « Si une mauvaise décision est prise soi-disant pour protéger certains individus qui nuisent à la patrie, nous allons nous opposer et nous n’allons pas permettre que la décision soit exécutée ». Mordicus, les magistrats, eux, soutiennent au contraire que le régime semble avoir monté un stratagème pour se débarrasser de leurs compatriotes devenus indésirables.