La CEDEAO ne changera pas, n’en déplaise à Guy Marius Sagna

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Entre une conférence des chefs d’États droite dans ses bottes et un parlement communautaire allergique aux critiques, l’institution sous-régionale semble déterminée à ne rien changer des pratiques qui lui valent tant de désaveux de la part de son opinion publique

Par Ousmane Cheikh Kane

La première session de l’assemblée parlementaire de la CEDEAO s’est ouverte le 1er juillet dernier avec la particularité que les débats – du moins une partie des débats – allaient être dévoilés au public. Guy Marius Sagna, le député sénégalais du Pastef (le parti fondé par Ousmane Sonko), avait visiblement accumulé beaucoup de griefs contre l’institution sous-régionale et était décidé à en découdre en mondovision. Sa cible privilégiée, les chefs d’État en poste depuis de très longues années par le moyen de pratiques antidémocratiques et qu’il accuse ouvertement d’appauvrir le continent. L’élu s’en prend d’abord vertement au président togolais Faure Gnassingbé qu’il accuse de prendre le Togo pour sa propriété.

Il s’en prend ensuite au président de la transition guinéenne et envoie des piques empoisonnées au président ivoiriens, avant de s’attaquer au fonctionnement de la CEDEAO dont il réclame ardemment la réforme. Guy Marius Sagna n’épargne pas non plus certains partenaires de la CEDEAO (PNUD, Human Rights Watch, etc.) dont il questionne la légitimité de la présence auprès de la CEDEAO

« Vous dites n’importe quoi »

Les extraits de ses coups de gueule sont diffusés sur les réseau sociaux, provoquant l’ire de ses collègues habitués à ‘’travailler’’ dans la discrétion, loin des lumières des médias et des réseaux sociaux. Le samedi 20 juillet dernier, alors qu’il commentait un rapport du PNUD sur la pauvreté dans la sous-région, le parlementaire sénégalais a pointé la responsabilité des chefs d’États dans l’appauvrissement des pays : « En 2023, le 2e plus important contingent de migrants irréguliers entrant en Italie par Lampedusa, c’était des Ivoiriens », avait-il fait remarquer. Une remarque qui a eu pour conséquence de faire sortir ses collègues ivoiriens de leurs gongs. Le sénégalais a été violemment pris à partie par la vice-présidente de l’organe, Adjaratou Traoré qui lui reproché de manquer de respect aux Chefs d’État et d’instrumentaliser le parlement de la CEDEAO pour faire de l’activisme. « Vous dites n’importe quoi, vous êtes n’importe quoi », a lancé l’ivoirienne du haut du perchoir avant de descendre pour tenter de rejoindre son collègue sénégalais, l’air menaçant. L’interposition vigoureuse de plusieurs autres parlementaires a probablement évité le pugilat. Quarante-huit heures après l’incident, le bureau du parlement a pondu un communiqué en désaveu pour Guy Marius Sagna. « Toute déclaration ou action qui contredit les valeurs de la CEDEAO est à proscrire », avertit le bureau de l’assemblée, validant ainsi l’interprétation en outrage, de la vice-présidente Adjaratou Traoré. « En tant qu’honorables députés, nous sommes libres d’exprimer nos différents points de vue et de faire part de nos opinions divergentes, à condition que ces points de vue soient guidés par les valeurs de respect, de courtoisie et de coopération qui sous-tendent notre organisation régionale », poursuit le communiqué.

Droite dans ses bottes

En d’autre termes, le député sénégalais pourrait même être sanctionné à sa prochaine ‘’sortie de route’’. Un message de fermeté lancé pour refroidir toute véléité de ‘’sédition’’ interne. « C’est un coup de poing que l’institution envoie sur la gueule de tous ceux qui appellent à sa réforme », commente Élom Codjo, un internationaliste togolais qui précise que « à travers l’assemblée, c’est toute la CEDEAO qui indique à son opinion publique de plus en plus réfractaire qu’elle n’a pas l’intention de changer quoi que ce soit à son fonctionnement ». Le critiques contre la CEDEAO se sont multipliées ces dernières années, notamment au seujet de son incapacité à défendre les peuples contre les pouvoirs autoritaires des membres du conseil des chefs d’État, à imposer le respect des droits humains, et garantir des élections justes et démocratiques.

L’institution est également critiquée pour être à la botte des agenda de puissances étrangères. Trois pays du Sahel ont d’ailleurs récemment claqué la porte e la CEDEAO. Il s’agit du Mali, du Burkina Faso et du Niger.

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