Méprisés, conspués et maltraités depuis 8 ans, c’est pourtant par eux que viendra peut-être la résolution de la crise qui oppose depuis plus d’un an, le Bénin à son voisin nigérien
Par Bruno Charles
Il est des choses qui ne s’expliquent pas, ne se transmettent pas, elles s’expérimentent. Parfois simplement, parfois dans la douleur. Mais quel que soit le moyen, elles vous marquent de façon indélébile.
La semaine dernière, une délégation nigérienne de haut niveau s’est rendue à Cotonou pour essayer de trouver ensemble avec le président Talon, un compromis sur ce qui oppose leurs deux pays depuis un an. Une telle rencontre était inimaginable, il y a à peine un mois, tant la relation était électrique et les noms d’oiseau volaient de part et d’autre.
De l’aveu des acteurs eux-mêmes, les échanges se sont déroulés dans une ambiance très constructive, au point de raviver l’espoir d’une réouverture imminente de la frontière terrestre entre les deux pays.
Ce dégel, on le doit à deux hommes, deux vieillards, deux anciens présidents que l’actuel occupant du palais de la Marina a toujours traités avec un mépris assumé, et souvent une brutalité à peine contenue, depuis son installation dans ses fonctions. En voyant le Président Talon tout sourire en compagnie des envoyés de Niamey, l’on ne peut s’empêcher de repenser à l’image des présidents Soglo et Yayi mis en joug par des policiers à Dantokpa et suffoquant sous les gaz lacrymogènes, alors qu’ils manifestaient contre l’exclusion de l’opposition des législatives de 2019. L’on ne peut non plus s’empêcher de repenser au siège de la résidence du président Yayi, quelques semaines plus tard, le privant de visite, de vivres et même de médicament. En voyant Patrice Talon si content de pouvoir enfin parler affaires avec Niamey, l’on ne peut s’empêcher de repenser aux nombreuses humiliations infligées à ses deux prédécesseurs, parfois sous le regard enjoué de certains de ses collaborateurs, alors qu’ils ne demandaient que la libération des prisonniers politiques et la pacification de l’atmosphère politique nationale.
Comme le dit un adage populaire du Bénin, « l’arbre qui n’est pas mort des flammes, ne refuse pas son ombrage à celui qui l’a incendié ». C’est sans doute cette leçon de sagesse, mais surtout d’humilité que les anciens chefs d’État ont voulu transmettre à leur successeur, en prenant sur eux d’offrir leur médiation face à une situation qui était complètement bloquée. Cotonou et Niamey se sont donné rendu coup pour coup depuis août 2023 et les sanctions de la CEDEAO à l’encontre du régime militaire qui s’était installé à Niamey peu de jours avant. Cotonou avait fermé ses frontières et bloqué l’accès de son port à son voisin qui en dépendait à plus de 80 % pour ses approvisionnements et pour ses exportations. Début mai 2024, le gouvernement béninois bloquait l’exportation du pétrole nigérien par son port pétrolier de Sèmè, en représailles au refus de rouvrir la frontière.
Tout cela pourrait bientôt devenir un vieux souvenir.