Crise bénino-nigérienne : pourquoi le général Tiani s’ouvre enfin au dialogue ?

Mission de déstabilisation du Niger : le général Tiani avance les preuves de ses accusations

Après avoir rejeté toutes les démarches entreprises par le président béninois Patrice Talon pour un retour à la normale, le président de la transition au Niger, le général Tiani, s’ouvre enfin au dialogue. Mais quelles en sont les vraies motivations ?

Le projet d’exploitation du pétrole nigérien a été l’une des victimes de la crise entre le Bénin et le Niger, qui a connu d’escalade suite au refus des autorités nigériennes de rouvrir leur frontière avec le Bénin. Ce refus est suivi d’une réaction de Patrice Talon qui a ordonné le blocus de transport du pétrole nigérien via le site de Sèmè Kpodji, un projet pourtant rentable pour les deux nations. Cette nouvelle décision de Patrice Talon et la condamnation de trois employés nigériens, dont la directrice générale adjointe Ibra Hadiza, à dix-huit mois de prison avec sursis par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) du Bénin pour « usurpation de titre et usage de données informatiques falsifiées », ont endurci la crise entre les deux pays voisins. Les autorités nigériennes ont suspendu le projet d’exportation, une décision dont la West African Oil Pipeline Company (Wapco), la société chinoise en charge de sa gestion est une victime collatérale.

Inflexible depuis le depuis, le général Abdourahamane Tiani a envoyé le mercredi 24 juillet 2024, des émissaires à Cotonou. Selon un communiqué du CNSP, c’est « à la demande de leurs Excellences Yayi BONI et Nicéphore SOGLO et avec l’autorisation du président de la République du Bénin », que Tiani a dépêché ladite délégation. Du 24 au 27 juin, des anciens présidents béninois Nicéphore Soglo et Thomas Boni Yayi, sur initiative personnelle, se sont rendus à Niamey. Ils ont été reçus avec tous les honneurs et ont échangé avec les autorités nigériennes, et même le général Tiani qui avait refusé de rencontrer un émissaire de Patrice Talon en la personne du ministre des Affaires étrangères, Olushegun Adjadi Bakari. De retour au pays, Yayi et Soglo ont été reçus par le président Patrice Talon. Un premier pas vers une sortie de crise a été posé par le Niger.

Les enjeux financiers du pétrole nigérien

En effet, dans un communiqué signé par le Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine le 26 juin, les autorités nigériennes ont annoncé la mise en place prochaine d’un comité tripartite « en vue d’un retour à la normale ». Cette instance sera composée de représentants des gouvernements béninois et nigérien, ainsi que des deux anciens présidents béninois. L’un des principaux moteurs de l’ouverture au dialogue du général Tiani a trait aux enjeux financiers considérables autour du business pétrolier. Selon une publication du magazine Jeune Afrique en date du 4 juillet 2024, l’exploitation de l’or noir devrait rapporter au Niger environ 300 milliards de F CFA (460 millions d’euros) par an en matière de retombées fiscales. Le Bénin bénéficierait également de cette exploitation pétrolière à travers le droit de transit des barils de pétrole, ce qui devrait rapporter environ 16 millions d’euros par an grâce à l’écoulement des 90 000 barils de pétrole par jour depuis la région d’Agadem jusqu’aux infrastructures portuaires de Sèmè-Kpodji. « Plusieurs milliards de dollars ont été investis pour la construction du pipeline. C’est un investissement massif qui a été consenti pour une infrastructure dont l’envergure ne peut pas être répliquée aussi facilement ailleurs. Les deux pays sont condamnés à s’entendre », a indiqué un diplomate béninois à Jeune Afrique. Cette dépendance économique mutuelle a probablement joué un rôle déterminant dans la décision du général Tiani de s’ouvrir au dialogue. La perspective de perdre ces revenus importants a certainement pesé dans la balance.

La fermeture des frontières entre les deux pays a entraîné une baisse significative du trafic au Port autonome de Cotonou (PAC), le poumon de l’économie béninoise. Kristof Van Den Branden, directeur commercial du port, a confié sur BIP Radio en juin : « Il y a en moyenne 70 à 80 navires par mois qui entrent dans le port aujourd’hui. En 2022, on était sur une moyenne de 95 à 100 navires quand il y avait un peu de normalité avec le Niger ». Le classement mondial 2023 des ports à conteneurs, publié par la Banque mondiale, le confirme. Sur les 405 ports évalués, le Port autonome de Cotonou est classé à la 402e place mondiale.

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