Succession de Patrice Talon : Johannes Dagnon limogé, le navire tangue

Succession de Patrice Talon : Johannes Dagnon limogé, le navire tangue

Après les départs de Candide Azannaï, Aurélien Agbénonchi, Sévérin Maxime Quenum et Oswald Homéky, avec les errements de Joseph Djogbénou et la rébellion ouverte d’Olivier Boko, Johannes Dagnon était le dernier des « hommes de base » du président Talon. Huit ans après, Johannes Dagnon, le cousin et conseiller du président, vient de sauter aussi. Ce départ oblige Patrice Talon à prendre deux dispositions : éviter que le bateau ne coule et repenser son plan de succession.

C’est la loi des fins de mandat présidentiel. Les coups de tonnerre se succèdent et se ressemblent dans le camp présidentiel à un peu plus de deux ans de la fin du second et dernier mandat de Patrice Talon. Et quelles que soient les précautions qu’il prend, quelle que soit la sérénité qu’il veut bien afficher faisant croire qu’il a encore la maîtrise de la situation, il est à peu près certain qu’il ne pourra pas s’éviter sa fin de mandat cahoteuse. C’est ainsi partout lorsque l’onction présidentielle vous quitte sans votre consentement. Macky Sall n’y a pas échappé au Sénégal, Mathieu Kérékou non plus en 2006 et Boni Yayi encore moins en 2016. C’est ainsi qu’il faut interpréter les départs de poids lourds de l’équipe de Talon, les retournements de vestes de députés contre lui et les complots qui se montent patiemment contre ses intérêts. Ainsi, le mardi 9 avril 2024, le public béninois a appris avec une certaine incrédulité le départ fracassant de la Présidence de la République, de Johannes Dagnon, l’un des piliers de l’appareil gouvernemental.

La crise de trop ?

Contrairement aux spéculations, ce départ n’est pas une tactique politique. Il n’a pas été décidé pour permettre à Johannes Dagnon de se libérer de ses charges en vue d’aller préparer la prochaine élection présidentielle. Patrice Talon ne joue pas, il ne prend aucun risque avec ses intérêts. Ceux qui sont actuellement en jeu sont colossaux, c’est le moins qu’on puisse dire. Patrice Talon ne s’embarrasse pas non plus de combats politiques. Dans le camp de Talon, il n’y a pas de combats à mener pour être candidat pour le compte de la mouvance présidentielle. Il n’y aura pas de compétition pour choisir le dauphin. C’est le chef de l’Etat qui seul, sur la base de ses intérêts personnels et de ses objectifs sélectionnera l’heureux élu et l’imposera à ses deux partis. Si l’UPR et le BR organisent des primaires en 2025 pour désigner un candidat à la présidentielle de 2026, ce sera pour ratifier le choix qui leur aura été imposé par le chef de l’Etat. C’est pour dire que le limogeage de Johannes Dagnon n’obéit à aucun calcul politique ni à une quelconque nécessité de préparer le combat pour être candidat du camp présidentiel. Son dernier véritable combat politique, Patrice Talon l’a mené entre 2012 et 2016 quand il voulait se débarrasser du régime de Boni Yayi. Depuis, le magnat du coton s’est appliqué à éviter systématiquement toute compétition politique. Le dauphin de Patrice Talon n’a donc besoin de livrer aucune bataille. C’est du moins ce que l’actuel occupant du palais de la Marina voudrait. Il l’a manifesté le 23 décembre dernier, lorsqu’il annonçait qu’il ne voulait pas de débat sur sa succession avant les six – huit mois qui précèdent l’élection présidentielle. Il faut être d’une grande candeur pour imaginer qu’il a apporté les derniers tours de vis à la loi électorale pour laisser se faire une quelconque bataille politique dans son camp pour choisir son dauphin.

Dagnon, le dernier des mohicans

Johannes Dagnon n’était pas n’importe qui dans le dispositif Talon. Il était programmé pour succéder à Patrice Talon. Cousin du chef de l’État et expert-comptable de métier, le natif de Ouidah a fait toutes les guerres avec Patrice Talon. Pour Patrice Talon en exil, Dagnon a fait la prison dans l’affaire de la tentative de coup d’état en 2013. Après la victoire en mars 2016, il est depuis le 6 avril 2016 l’éminence grise du président de la République. Conseiller spécial à la présidence et patron du fameux Bureau d’Analyse et d’Investigation (BAI), il est à la manœuvre de tous les projets du PAG depuis 2016. Depuis des décennies, Johannes Dagnon, à la tête du Cabinet Fiduciaire d’Afrique, fut l’expert-comptable des sociétés Talon. C’est donc sur lui que la famille Talon fonde ses espoirs pour conserver le pouvoir. Elle estime qu’aucun coup bas ne peut venir du cousin, et que c’est le seul de son entourage qui peut protéger ses arrières et les intérêts économiques de la famille.

Rien n’a encore filtré des raisons de ce départ en fanfare. Le président Talon aurait-il découvert des choses qui remettent en cause la confiance qu’il plaçait en lui ? Le cousin se serait-il rendu coupable d’une faute impardonnable ? On ne tardera pas à le savoir. Le mois dernier, des cadres de l’administration Talon qui venaient de participer à une activité où l’on a suscité la candidature de Johannes Dagnon, ont été forcé de se rétracter publiquement. Quoi qu’il en soit, le président Patrice Talon se serait bien passé de cette énième crise qui érode ses soutiens de poids et fragilise sa galaxie. Car ce départ, surtout annoncé de cette façon, est immanquablement une mauvaise nouvelle pour le Président Talon. À quelques deux ans de la fin de son mandat, le chef de la Rupture se retrouve de plus en plus seul, avec des artisans de la 25e heure et des personnalités dont la carrure ne peut suffire à la protéger des turbulences d’une fin de mandat. C’est sans conteste un facteur de fragilité pour lui qui a mis un point d’honneur à construire son image de chef incontesté.

Talon désormais seul

Après la défection de Candide Azannaï en 2017, celles d’Aurélien Agbénonchi, de Sévérin Maxime Quenum et d’Oswald Homéky en 2023, et avec les errements d’un Joseph Djogbénou complètement démonétisé, la rébellion ouverte d’Olivier Boko, Johannes Dagnon était le dernier des « hommes de base » à protéger le président. C’est avec ces hommes que l’aventure Talon a commencé. Ce sont eux qui ont eu le courage de porter Patrice Talon le fugitif et de l’introniser à la place de Boni Yayi. Le cousin et conseiller du président vient de sauter sans coup férir, obligeant Patrice Talon à repenser son système de survie politique et son plan de succession. Il a encore deux ans pour le faire. Mais une chose est certaine, ces crises à répétition sont bien la preuve qu’il existera toujours une grande part d’incertitude dans les plans de succession arrangée dans un pays qui n’en a pas la culture.

Patrice Talon est désormais un homme seul. Plus le bateau tangue, plus le chef de l’Etat est exposé à tous les vents. Si la saignée continue autour de lui, ses opposants les plus crédibles et les mieux préparés auront des raisons de croire qu’il est désormais à leur portée.

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