L’éditorial d’Arimi Choubadé
Comment pourrait-on espérer que le droit soit dit le 5 mars 2024 alors que son requiem a été chanté depuis des lustres ? En lieu et place, la Rupture a inventé la dictature de la majorité qu’elle proclame avec fougue et détermination. Un truc dont eux seuls en maîtrisent les contours. Les communistes parlent pudiquement de dictature du prolétariat qui, en somme, proclame le pouvoir des pauvres sur les riches. Mais là encore la Chine a fortement édulcoré ce principe avec son assaut contre la finance mondiale qui semble bien lui réussir d’ailleurs. Rien à voir avec la volonté de confisquer le pouvoir à travers des lois d’exclusion, de cloisonnement identitaire voire de bannissement des adversaires.
On doit à la vérité que les premiers coups létaux contre le droit ne datent pas de l’ère Talon. La semonce est venue dès 1995 avec les mesures exceptionnelles évoquées par Soglo pour mettre en vigueur sont projet de budget général de l’État en ballotage depuis des mois au parlement. La cour de Elisabeth Pognon a préféré la feinte au droit en se déclarant incompétente alors qu’en réalité il suffisait de dire au gouvernement de l’époque qu’une ordonnance de mise en exécution du budget est bien prévue par la constitution et ne constitue donc pas une mesure exceptionnelle. Une disposition (ordonnance de mise exécution du budget) prévue par le texte fondamental ne devrait plus être exceptionnel selon le bon sens. En définitive, la Cour venait d’octroyer un droit de veto au chef de l’État. Les successeurs de Soglo s’y sont engouffrés chacun y allant de sa fantaisie. Le droit en a souffert. L’usage de l’article 68 de la constitution venait d’échapper à tout contrôle dans les faits.
L’œuvre de démolition n’a jamais connu de répit avec la succession des régimes et des mandatures de cour constitutionnelle dont le contrôle est devenu un enjeu mercantile voire mafieux. Après Dieu ce sont les sages. Leurs décisions ne sont-elles pas insusceptibles de recours ? Le malheur du Bénin est donc venu de l’idée même que des gens puissent s’arroger le pouvoir de contrôler ou de manipuler des gardiens du temple, les dépositaires exclusifs de l’ordre républicain et du droit. On ne doit plus s’étonner plus tard de la métamorphose de modèle en cauchemar sans fin.
En 2001, ce fut le coup de tonnerre avec la “Cour des miracles” dont les exploits abracadabrantesques ont abouti au triste match amical Kérékou-Amoussou, au second tour de la présidentielle, suite aux désistements de Soglo puis Houngbedji. Ne parlons pas de la combinaison Dossou-Holo-Yayi. A cette époque-là, jamais le doyen Olympique Bhêly-Quenum n’a été aussi prolixe sur sa page Facebook depuis sa retraite de Garrigues en Suisse. Remonté qu’il était contre le requiem du droit qui était quotidiennement chanté. Par son tandem avec Yayi, en ces moments, Talon n’était pas si loin de cette combinaison fatale pour les acquis de la conférence nationale fondatrice du Renouveau démocratique en Afrique au sud du Sahara.
Passons l’esbroufe des KO électoraux de 2011 où la cour a constitué elle-même sa liste électorale, s’est érigée en administratrice des élections avec le rejet de tous les constats d’huissier assermentés au profit de prétendus rapports d’observateurs improvisés par elle-même. Des observateurs amateurs étaient donc plus crédibles que des huissiers professionnels du constat. Le reste n’était donc qu’une succession de pluies de massues auxquelles le droit ne pouvait survivre. Je vous épargne la saga du député-ministre-sage-président Upr dès 2016 ; Il n’y avait plus de droit à appliquer. Chaque élection devient une période de guerre, de sang, de larmes, de prison, d’exil sur la terre de Béhanzin et de Bio Guerra (2019, 2020, 2021). En attendant le prochain épisode. Du pays du Renouveau démocratique en 1990 seulement, le Bénin est en passe de devenir le pays sans droit. Avec une bonne dose d’incertitude du lendemain.
Le droit est mort ! Vive la dictature de la majorité !!!