L’éditorial d’Arimi Choubadé
Rarissimes, les bonnes nouvelles au Bénin par ces temps de fin de régime. Rien que l’exceptionnelle mobilisation de la police républicaine sur toute l’étendue du territoire national traquant non pas les criminels mais de petits propriétaires de moto ou de voiture dont les pièces auraient le moindre défaut suffit à apprécier l’état d’âme d’une population essorée, traumatisée, terrorisée. Cette même population d’où l’État de terreur tire pourtant l’essentiel de ses moyens de répression. En résumé, les pauvres financent la puissance qui les réprime.
Pendant ce temps, que fait Réckya Madougou, la “tueuse” d’un ancien maire toujours vivant, embastillée depuis 3 ans ? La première “terroriste” jugée et condamnée au Bénin. Il serait fastidieux d’étaler toutes celles et tous ceux qu’elle a pu soulager du fond de sa cellule face à la rareté ambiante, au désespoir de ne pouvoir bénéficier d’eau potable, de fournitures scolaires, de médicaments. Ou carrément ces femmes en zones rurales qui n’ont pour condition sociale que la pénibilité d’accès à toute sorte de besoin, et à qui ont dit que c’est une prisonnière qui a pensé à elles ; prisonnière de la politique, du combat pour la parole, de son engagement à défendre la constitution. Ou encore prisonnière de sa volonté de vouloir diriger ce pays…
Il ne s’agit pas de comparer la politique sociale de Talon à l’élan de générosité d’une prisonnière solidaire d’autres gens en liberté certes mais végétant dans les liens d’une misère indicible. La célébration du 3eme anniversaire de l’arrestation spectaculaire de Réckya intervient dans une morosité collective insoutenable. Elle n’est ni la première femme ni la seule emprisonnée au Bénin. Pourtant, elle si présente dans le débat national encore plus que lorsqu’elle vaquait normalement à ses activités. Ils sont nombreux à penser, à tort ou à raison, qu’elle sacrifie elle-même, ses enfants et ses proches pour tous, y compris pour des gens qui ne l’ont jamais connu avant son engagement politique.
De quoi devenir amère, revancharde, aigrie voire dépressive en échos à l’adversité, à la duplicité et aux manipulations de l’opinion qu’elle affronte quotidiennement. Mais c’est encore d’elle que naît l’initiative de soulager d’autres selon ses moyens. Une manière de garder en soi suffisamment d’humanité et être capable d’en partager avec d’autres compatriotes.
Au Bénin, se battre pour les autres prend le nom d’une prisonnière politique…