CEDEAO : le faux dilemme de Patrice Talon au sujet du putsch sénégalais

CEDEAO : le faux dilemme de Patrice Talon au sujet du putsch sénégalais

En conférence de presse jeudi dernier, le président Talon a feint d’ignorer que plus que les sanctions, c’est l’impunité dont bénéficient les putschistes en col blanc comme lui-même au Bénin, Ouattara en Côte-d’Ivoire ou Macky Sall au Sénégal, que les population rejettent.

Patrice Talon veut être conseillé. Face aux médias nationaux et internationaux accrédités au Bénin le 8 févier dernier, le Chef de l’État béninois a avoué sa confusion sur la position à adopter désormais au sein de la conférence des chefs d’état de la CEDEAO face aux coups de force dans la sous-région.

“Moi je suis eu peu perdu”

Il faut dire que la suspension du processus électoral au Sénégal cinq (5) jours plus tôt, et les sourires crispés que le premier communiqué de la CEDEAO a provoqués au sein des opinions publiques de la sous-région avaient de quoi perturber le numéro un béninois. “ Ce qu’on observe aujourd’hui au Sénégal et qui est regrettable, est de nature à nous interpeller sur le rôle que doit jouer les communautés auxquelles nous appartenons. Est-ce que la CEDEAO et l’UEMOA, cette fois-ci, doivent condamner ou non? Quand on sanctionne, on dit “il ne faut pas sanctionner”. Que faut-il faire? À un moment, avec le Niger on a dit trop c’est trop. Ce trop c’est trop-là continue. Il y a un autre trop (le Sénégal, ndlr) qui vient de s’ajouter. Faut-il sanctionner le Sénégal aussi ? On l’a fait au Niger, voilà là où c’est en train de nous amener. J’ai entendu mes compatriotes dire qu’il ne fallait pas sanctionner le Niger, parce que ce sont nos frèes et sœurs qui allaient en souffrir. Donc, moi je suis un peu perdu.”

Humilité

Perdu ou habile? Si le président du Bénin a fait preuve d’humilité en admettant qu’ils se sont peut-etre trompés en se montrant aussi intransigeants avec les militaires putschistes du Niger, il est difficile de ne pas imaginer que c’est l’impossibilité pour les chefs d’États de la CEDEAO de s’en prendre directement à un de leurs collègues en délicatesse avec les règles démocratiques, qui force Patrice Talon à l’humilité. Car contrairement aux coups d’état militaires, la conférence des chefs d’état de la CEDEAO s’est toujours montrée conciliante avec chacun de ses membres (sauf Yaya Djammeh en 2017) qui s’est offert un putsch institutionnel ou constitutionnel, en violation des principes démocratiques défendus pas l’institution sous-régionale. On peut citer par exemple le troisième mandat de l’ex-président guinéen Alpha Condé. Celui de l’ivoirien Alassane Ouattara, lui-même obtenu dans le sang (plus de 100 morts). Sans oublier l’exclusion systématique des opposants de toutes les élections organisées par Patrice Talon lui-même entre 2016 et 2023, et les nombreux morts qu’elles ont causés.

Double standards

À chaque fois, le régime Talon avait évoqué la souveraineté du Bénin pour s’opposer fermement à ce qu’il considère comme une “ingérence inacceptable de la CEDEAO” (sic) ou de toute instance internationale dans les affaires intérieures du Bénin.

Au finale, Patrice Talon, tout comme Alassane Ouattara ou Alpha Condé ont reçu les félicitations de leurs paires et ont continué de matter leurs opposants comme si de rien n’était. Au Bénin par exemple, des dizaines d’opposants, dont un constitutionnaliste (Joël Aïvo) et une ancienne Garde des Sceaux (Réckya Madougou) sont encore en prison de le cadre de l’élection présidentielle de 2021, tandis que qu’on ne connait toujours pas le bilan des émeutes qui ont suivi les différences élections exclusives. Patrice Talon peut-il ignorer que plus que les sanctions, c’est l’impunité et la complaisance dont bénéficient les auteurs de putschs civils que les populations rejettent?

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