Révision de la constitution : gros malaise au sein de la majorité présidentielle

Révision de la constitution : gros malaise au sein de la majorité présidentielle

En attendant son examen, la proposition de révision de la constitution portée par le député Assan Séibou divise la majorité présidentielle. Le président Talon manœuvre pour tenter de remobiliser son camp.

Par Julien Coovi

« Il n’est pas nécessaire de réviser la constitution ». Réponse sèche et courte de Victor Topanou le dimanche 28 janvier dernier sur le plateau de la web télévision ESAE TV, rappelant au passage que la décision de la Cour constitutionnelle le 4 janvier n’a demandé que des corrections sur le code électoral. L’ancien garde des sceaux du gouvernement Yayi avait rejoint le camp présidentiel peu de temps avant le fameux dialogue politique qui a servi de tremplin pour la première révision de la constitution. Moins de six mois avant, il était l’un des plus farouches dénonciateurs des législatives de 2029 d’où l’opposition avait été exclue. Mais ce n’est pas le sujet.

La tension est palpable

Comme ce député UP-R – après plus de trois ans de soutien au régime, Victor Topanou a pu obtenir en janvier 2023 un siège de député dans la 6e circonscription électorale -, plusieurs élus de la majorité présidentielle font grise mine devant cette nouvelle tentative de modification de la constitution dont ils devinent aisément les réelles intentions. Ils connaissent désormais assez le chef de la majorité présidentielle pour ne plus lui accorder le moindre bénéfice du doute au sujet de ses réformes politiques. Selon nos sources, la tension était perceptible lors de la rencontre d’information que le président Talon a eue avec eux. Bien qu’aucun d’entre eux n’ait eu le courage de lui dire en face ce qu’ils pensaient de son projet, « on pouvait lire de l’inquiétude dans les regards », nous confie un député qui a assisté à la séance avec le groupe parlementaire UP-R

« Une relation à sens unique »

Les huit années de loyauté au président Talon n’ont pas été une sinécure pour ses soutiens. Constamment intimidés, parfois menacés, ils ont été systématiquement tenus à l’écart de la gestion du pouvoir et n’ont été réduits qu’à la simple fonction de caisse d’enregistrement des desiderata du président de la République. « Notre soutien au chef de l’État n’a été qu’une relation à sens unique, déplore un député élu à Cotonou. Les yeux fermés, nous lui avons donné toutes les lois dont il avait besoin pour asseoir son pouvoir et n’avons rien obtenu en retour ». À part Jean-Michel Abimbola, anciennement coordonnateur du Bloc de la Majorité Présidentielle, Samou Adambi, Modeste Kérékou, Alassane Séidou et Benjamin Hounkpatin, le président de la république n’a fait entrer dans son gouvernement aucun militant actif de ses deux partis politiques en huit années de pouvoir. Pas plus dans les cabinets ministériels, les agences ou les directions de société où le président a préféré placer ses collaborateurs ou des compétences étrangères.

La majorité présidentielle qui attendait donc les élections générales de 2026 comme un tremplin pour se débarrasser de ce chef si oppressant, découvrent avec une certaine déception qu’ils pourraient peut-être devoir le supporter encore quelques mandats de plus, soit lui-même ou par le truchement d’une transmission du pouvoir arrangée. Un élu BR confie que ce qui agace surtout ses collègues de la majorité, c’est le cynisme du procédé par lequel le président Talon leur demande de l’aider à rester le maître du jeu en 2026.

Lors d’une réunion tenue à Porto-Novo le 30 janvier dernier en marge de la clôture d’une session parlementaire en cours, le ton était monté au sein du groupe parlement BR ou plusieurs députés se sont plaint d’avoir découvert sur les réseaux sociaux, une proposition de loi censée être l’initiative du président de leur groupe, mais qui, comme l’a révélé Olofofo, a été rédigé par Joseph Djogbénou, président d’un autre parti. « Pourquoi l’UP-R ne fait pas porter le projet à un de ses députés ? Pourquoi nous personne ne nous a associés à sa rédaction ? », se serait même indigné l’honorable Abdoulaye Gounou.

Incertitudes

Comme en 2019, la proposition d’Assan Séibou devait être étudiée en procédure d’urgence pour ne pas laisser la contestation s’enfler et donner des ailes aux frondeurs de la majorité présidentielle. La session a finalement été ajournée et le texte renvoyé devant la commission des lois, parce que selon nos sources les comptes n’étaient pas bons même pour l’acceptation de la proposition. Il manquait une trentaine de voix pour obtenir la majorité qualifiée des 4/5 nécessaire pour l’introduction du texte en plénière. Le président Talon mettra à profit ce temps pour tenter de remobiliser ses troupes. Ce qui est loin d’être gagné quand on considère la détermination des frondeurs, encouragés selon ce qu’on raconte, par Olivier Boko dont les ambitions politiques dépendent fortement de l’échec de cette énième tentative de modification.

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