L’arrestation et la détention du coordonnateur national de l’ONG Urgences Panafricanistes, n’ont fait qu’aggraver les inimitiés nées ces dernières années entre Patrice Talon et les panafricanistes.
Par Julien Coovi
Ce matin du 18 décembre 2023, devant les juges de la Cour de répression des infractions économiques, du terrorisme et des infraction connexes (Criet), le jeune Schadrack Watowédé Houngnibo se tenait debout. On pouvait à peine le distinguer dans le flot de prévenus déversés quelques heures plus tôt dans la salle d’audience. Son aspect gringalet et ses yeux d’enfant effrayé devant le père fouettard, contrastaient avec l’importance médiatique qu’il avait prise depuis son arrestation. Le coordonnateur national de l’Ong Urgences Panafricanistes avait été interpelé une dizaine de jours plus tôt pour une vidéo postée sur le réseau social TikTok. Les autorités béninoises lui reprochent des « injures avec motivation raciste et xénophobe commise par le biais d’un système informatique », et de « l’incitation à la haine et à la violence ». En cause, des déclarations dans lesquelles Shadrack Watowédé Houngnibo accusait le président béninois, Patrice Talon de complicité avec la France pour installer une base militaire au Bénin et agresser un pays voisin (le Niger, ndlr).
« C’est une déclaration de guerre »
Pour le président de l’ONG, le très controversé Kémi Séba, cette arrestation était la provocation de trop. Quelques minutes seulement après l’arrestation de son collaborateur, Kémi Séba déclare sur ses réseaux sociaux « qu’en arrêtant le coordonnateur national de notre mouvement, Patrice Talon déclare la guerre au panafricanisme de manière générale et conforte son statut de serviteur n°1 du système néocolonial sur le continent africain ». Quelques jours plus tard sur le média russe Sputnik Kémi Séba explique que l’arrestation de son collaborateur était un message de terreur que le gouvernement de Patrice Talon essaiyait d’envoyer à tous ses sympathisants au Bénin. Puis il formulera des menaces très explicites à l’endroit du pouvoir du président béninois : « je dis à Patrice Talon que si le frère Schadrack n’est pas libéré, 2024 sera une année très longue pour lui, et ce qui s’est passé dans les autres pays (les coups d’État ndlr) risque de se passer. Il faut demander à Rock Marc Christian Kaboré, à Ibrahim Boubacar Kéita ou à Mohamed Bazoum, quel a été le sort de ceux qui se sont soumis à la France. Nous avons beaucoup de soutiens dans les différents secteurs de l’État ».
Libération
Le 15 septembre 2013, lui-même avait été brièvement interpelé et détenu dans les locaux de la direction générale de la police béninoise avant d’être relâché sans poursuite. Une arrestation qui avait mis toute la panafricanie en émoi. Le 18 décembre, Schadrac Houngnibo était défendu par le très médiatique avocat français Juan Branco (qui défend également l’opposant sénégalais Ousmane Sonko) et par deux autres avocats béninois, maîtres Barnabé Gbago et Aboubacar Baparapé. À l’issue de l’audience, même le Procureur Spécial ne va demander qu’une peine avec sursis, contrairement aux habitudes de la maison face aux activistes considérés comme dérangeants pour le régime. Finalement, les juges se montreront encore plus cléments : 5 millions de Francs CFA d’amende et une libération pure et simple. Un verdict que Kémi Séba s’est empressé de célébrer comme une victoire sur le néocolonialisme : « nous avons gagné aujourd’hui et les victoires de demain seront encore plus grande », a-t-il lancé dans une vidéo sur Tiktok.
Ce qui est certain, c’est que cette nouvelle affaire judiciaire n’a pas dû contribuer à réconcilier le président béninois avec le mouvement panafricain auquel beaucoup l’avaient pourtant associé, grâce à un certain nombre d’actions que son gouvernement avait entreprises en début de mandat. Par exemple le rapatriement des œuvres pillés lors de la colonisation, la suppression des visas pour les ressortissants africains.