“Le bilan et le sang des Béninois” l’éditorial d’Arimi Choubadé

Il n’y a pas que les réalisations infrastructurelles, les ponts, les écoles, les buildings et les acquisitions matérielles qui font le bilan d’un régime ; les tragédies surtout si du sang des citoyens a coulé à l’occasion de débats publics en font partie. Certains diront même que le sang emporte sur tout étant entendu que la constitution elle-même a proclamé la sacralité de la vie humaine. Or, en 8 années de règne de la ruse et de la rage, du sang humain a coulé au Bénin notamment en marge de consultations électorales voire de manifestations de rue lors des législatures 2019, des municipales de 2020 et de la présidentielle de 2021.

Beaucoup d’efforts ont été faits afin de pacifier les tirs à balles réelles à ces débuts en 2019 particulièrement. Une grande première à l’époque ; l’émoi était à son comble parce que rarement pour ne pas dire jamais les Béninois n’ont eu à assister à de véritables opérations de guerre sur le territoire national mettant aux prises l’armée régulière et des forces non encore officiellement identifiées à ce jour. Il ne s’agit pas de quelques bavures mais de véritables affrontements armés étendus sur plusieurs jours. Dans la foulée on s’est dépêché de faire voter une loi d’amnistie au parlement de type nord-coréen à 100% composé d’hommes du pouvoir. La justice conclut également à un non-lieu suivi d’assises dites nationales entre gens du régime pour finir par une révision de la constitution.

Ça c’était 2019. Après, la violence s’est installée dans une banalisation rampante. Les batailles féroces de 2020 puis de 2021, c’était du normal exempt du moindre élan de pacification. Au contraire, la traque devrait se ramifier avec une cristallisation sur les prisonniers politiques et les exilés. Mais les morts quant à eux ont rejoint la rubrique des anecdotes vite rangées. Pas de décompte des victimes, pas d’offices religieux encore moins justice et réparation.

Mais au-delà de l’analyse froide et placide, la nécessité d’une paix commune construite avec l’aide de tous ne se négocie pas. Le sang versé ne saurait s’accommoder d’une comptabilité implacable à l’instar du bilan des routes ou des ouvrages physiques. Dans un pays comme le Bénin où le mystique est très présent dans les us et coutumes il faut bien un jour faire le deuil, apaiser les esprits et réconcilier les âmes. La politique ne peut pas servir seulement à gagner des élections et à régner. Elle doit également se mettre au service des tués, des exilés et des prisonniers également.

Les réalisations physiques sont ce qu’elles sont, le sang reste ce qu’il est.

Article précédent

Patrice Talon : la fin du rêve panafricaniste

Article suivant

Abomey-Calavi : un jeune homme tue son père pour avoir son héritage

You might be interested in …