Par Julien Coovi
Le dimanche 24 septembre dernier sur la télévision française, le président Emmanuel Macron a annoncé les deux décisions que tout le monde attendait depuis plusieurs semaines. Il s’agit d’abord du rapatriement de son ambassadeur Sylvain Itté déclaré persona non grata par les autorités issues du coup d’état du 26 juillet 2023, et que le président Macron a maintenu sur place en débit du bon sens. Il s’agit ensuite de l’annonce du démantèlement de la base militaire française de Niamey et du départ, d’ici la fin de l’année, des 1500 soldats français stationnés dans le pays, officiellement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et dont le CNSP a exigé le départ.
Personne, y compris à Paris, ne comprend pourquoi monsieur Macron a mis autant de temps pour se résoudre à faire ce qui était inéluctable. Personne ne comprend pourquoi il s’est enfermé aussi vite, aussi précipitamment dans cette « résistance » forcenée à un coup d’état, fomenté et exécuté par des officiers d’un pays souverain situé à cinq mille kilomètres de Paris, pendant que tous ses alliés occidentaux, à commencer par les pays de l’Union Européenne, choisissaient la voie du pragmatisme géopolitique. Personne ne comprenait les cris d’orfraie, la surenchère verbale et les menaces dont le président français n’avait ni les moyens diplomatiques, ni les moyens politiques.
La stratégie de Paris, basée sur une violation décomplexée du droit international, était sans issue. Elle avait pourtant déjà été tentée au Venezuela en 2019 avec le président Maduro et avait échoué, Paris ayant ét obligé de rapatrier son ambassadeur au bout de six semaines de siège et de privation de vivre, d’eau et d’électricité. Beaucoup de français et de francophiles ont eu honte de la façon dont le président Macron a géré cette crise. Ils ont mal de voir l’épaisseur de la gadoue diplomatique dans laquelle le président a plongé l’image de cette nation autrefois grande, mais désormais insultée, conspuée et chassée comme un malpropre des endroits où elle était respectée, voire crainte.
Aujourd’hui, cette France-là est morte. Elle ne représente plus rien depuis que les français, sur recommandation de leurs élites politiques, médiatiques, intellectuelles et surtout économiques, ont décidé de confier ses clés à un jeune président sans grande expérience politique, mais que tout le monde s’est appliqué à présenter comme une personne absolument brillante et au-dessus de tout. Emmanuel Macron ne s’est montré à la hauteur de la France et de son grand héritage diplomatique dans aucun des grands dossiers qu’il a dû gérés depuis sa première élection en 2017. Il est moqué à Kyev comme à Moscou. L’enregistrement et la diffusion dans la presse française d’une conversation téléphonique dans laquelle ses « conseillers » et lui se moquaient d’un de ses homologues étrangers, n’a pas suscité plus de réprobation des élites françaises que ne l’a fait la malheureuse punchline sur la climatisation d’un amphithéâtre de l’université de Ouagadougou. Personne à Paris, n’a eu le courage de lui dire que le sommet de Pau et le discours qu’il a tenu quand il y a convoqué dare-dare les chefs d’État du G5 Sahel étaient des erreurs. Enfin, personne ne lui a dit que sa présence pompeuse et pleine de suffisance à N’Djamena au printemps 2021 pour valider la violation de la constitution tchadienne, l’obligeait dorénavant à s’accommoder de tous les autres coups d’état qui allaient suivre.
Le monde a changé, et la France, malgré la jeunesse de son président, est la seule à ne pas l’avoir compris. Voilà pourquoi elle va d’humiliation en humiliation.