Gâchette facile et impunité, des ONG donnent l’alerte sur les bavures de la police béninoise

De nombreux défenseurs de droits humains s’inquiètent d’une certaine culture de l’exécution extrajudiciaire qui serait en train de s’installer dans la police béninoise.

La mort précoce et violente du jeune Martin Hounga, le 4 septembre dernier à Hêvié (banlieue ouest de Cotonou) sous les balles de la police béninoise sera-t-elle la dernière de la série meurtrière qui a démarré voici environ 5 ans ? C’est en tout cas ce qu’espèrent de nombreux défenseurs de droits humains qui ont assisté avec effroi à l’exécution de sang-froid de cet adolescent. Martin Hounga, 18 ans à peine, orphelin de père et artisan de son état, est tombé sous les balles de deux policiers « en patrouille » ce soir-là, selon leurs chefs. D’après les témoins du drame, les policiers ont tiré sans sommation sur l’adolescent effrayé qui tentait de se soustraire à un contrôle tout comme le conducteur de la mototaxi derrière laquelle il s’était installé avec un de ses frères.

Martin Hounga, dangereux bandit ?

Comme dans tous les cas similaires précédents, les policiers ont emmené le corps dans une morgue située très loin du lieu du drame, et n’ont communiqué aucune information à la famille de la victime. Les premières déclarations de la police sur le drame n’interviendront que plus d’une semaine plus tard, suite à la vague de colère qui avait commencé par monter. Laconique sur les conditions exactes du décès du gamin, le communiqué de la police béninoise a laissé de nombreuses questions sans réponse et provoqué la colère de la famille. Selon l’institution dirigée par Soumaïla Yaya, Martin Hounga aurait été tué dans le cadre d’une « opération de lutte contre le grand banditisme » et les deux policiers du commissariat de Hêvié auraient été envoyés en mission par leurs supérieurs, suite à des « renseignements ». Autrement dit, les renseignements de la Police béninoise faisaient état de ce que l’adolescent Martin Hounga serait possiblement un bandit dangereux qui menaçait la sécurité des biens et des personnes. C’est pour cette raison, laisse entendre le communiqué de la police, que les deux policiers envoyés en mission contre ‘’ces dangereux délinquants’’ n’auraient pas hésité à l’abattre. Si ces affirmations se confirment, ce serait la première fois que la police béninoise envoie deux policiers à moto, au-devant de dangereux criminels.

Tirer pour tuer ?

Tous ceux qui connaissaient la victime clament à qui veut les entendre que Martin était un jeune homme exemplaire et sans histoire. Il venait de terminer une formation d’artisan et se préparait à entrer dans la vie active. Le soir de sa mort, l’orphelin revenait de chez son oncle, en compagnie d’un de ses frères. Quelles étaient donc les renseignements que détenait le commissariat de Hêvié ? Que disaient-ils précisément sur le jeune Martin ? En quoi était-il dangereux pour ces deux policiers au point qu’ils lui tirent dessus sans sommation ? Tous les regards sont désormais tournés vers les deux groupes d’enquêteurs qui auraient été chargés de faire la lumière sur cette énième mort tragique de citoyens ciblés par la police.

Couverts par la Justice

Car, Martin Hounga n’est que le dernier d’une longue liste de béninois morts sous les balles de la police. L’ONG Bénin Diaspora Assistance a dressé la liste d’une douzaine de victimes. Parmi elles, Clément Yokossi, étudiant en année de licence, tué le 8 septembre 2020 à Tanguiéta et présenté comme un grand bandit. Il y a aussi Saturnin Houndjo, retrouvé mort le 5 octobre 2022 à Missérété, le corps criblé de balles, après son arrestation le 30 septembre 2022 à Cotonou. Là aussi, toujours selon l’ONG, la police aurait tenté de maquiller le crime en faisant croire à sa famille, qu’elle l’avait déjà libéré depuis le 02 octobre. Il y a également Théophile Djaho, abattu le 24 mars 2020 lors d’une manifestation étudiante pacifique pour réclamer des mesures contre le Covid-19. Son corps avait aussi été longuement ‘’confisqué par les autorités, avant d’être rendu à sa famille. Il y a enfin Fidèle COMBETTI, assassiné en septembre 2019 dans une cellule du commissariat de Manta, à Boukoumbé. Aucun de ces assassinats n’a été élucidé à ce jour, et les auteurs des coups de feu mortels n’ont jamais été inquiétés par la justice.

En décembre 2022, le journaliste Virgile Ahouansè de Chrystal News avait livré une investigation sur des actes présumés d’exécutions extrajudiciaires perpétrés dans une école de Porto-Novo. Il a été condamné pour diffusion de fausse nouvelles, mais il maintient les résultats de son enquête.

Quelles sont les règles d’engagement de la police républicaine ? Les policiers auraient-ils reçu comme consigne de tuer de sang-froid ? Si oui, d’où vient cet ordre ? Pourquoi les auteurs de ces crimes ne sont jamais inquiétés ? Les associations espèrent que cette spirale s’arrêtera enfin et que les auteurs et leurs donneurs d’ordre seront punis.

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