Le chef de la diplomatie algérienne a entamé la semaine dernière un rapide périple dans les capitales ouest-africaines pour tenter de désamorcer leur envie d’envoyer des troupes à Niamey. Alger craint qu’un conflit armé supplémentaire déstabilise durablement la région et compromette ses intérêts économiques.
Cheikh Ousmane Kane
L’Algérie veut éviter à tout prix une intervention militaire de la CEDEAO au Niger. Alors que tous les contours de l’opération sont dessinés et que l’intervention est de plus en plus imminente, le patron de la diplomatie algérienne, Ahmed Attaf, a effectué un ultime déplacement dans trois États de la CEDEAO pour tenter d’obtenir l’abandon de l’option militaire. Ahmed Attaf s’est d’abord rendu le 24 août au Nigeria qui assure la présidence tournante de la CEDEAO, puis au Bénin et au Ghana. Trois des cinq pays les plus intraitables sur l’idée du déploiement d’une force sous-régionale au Niger en vue de rétablir Mohamed Bazoum dans ses fonctions. La décision d’Alger de prendre son bâton de pèlerin pourrait aussi avoir été motivée par la demande de survol de son territoire par l’armée française, soupçonnée de vouloir attaquer le Niger.
La perspective d’une action militaire au Niger serait loin d’être la bonne du point de vue du gouvernement algérien. Dans un communiqué publié au début de la crise, le ministère des affaires étrangères de l’Algérie avait évoqué les conséquences d’un déploiement de la force régionale chez son voisin du Niger. Cela risque d’ouvrir la voie à « un regain de vigueur et d’agressivité du terrorisme et des autres formes de criminalité qui affectent gravement la région ». Si son pays a été ferme au début dans ses prises de position sur la crise politique au Niger, le ministre Ahmed Attaf a plutôt adopté une attitude plus modérée lors de son périple ouest-africain. À Cotonou où il a rencontré son homologue béninois Olushegun Adjadi Bakari, Attaf a réaffirmé l’opposition de son pays aux prises de pouvoir par la force. « Nous sommes, au sein de la CEDEAO comme en Algérie, sur une même ligne de travail celle de coordonner au maximum nos efforts pour aboutir à la réalisation d’un objectif commun qui est la restauration de l’ordre constitutionnel au Niger », a déclaré Ahmed Attaf. Cependant, il a expliqué clairement à chacun de ses hôtes que le recours à la force « a toujours été un élément de complication et non pas un élément de solution », en se référant aux cas de l’Irak, de la Syrie et de la Libye.
Intérêts économiques
Au Nigeria, Mohamed Attaf a évoqué avec Ahmed Bola Tinubu, le projet de gazoduc transsaharien qui relie le Nigeria à son pays et qui passe par le sud du Niger. Alger tient à préserver à tout prix ce projet qui permettrait au Nigeria d’acheminer 30 milliards de m3 de gaz à l’Europe chaque année, et correspondrait à d’énormes royalties annuelles pour l’Algérie. Une manne qui pourrait être compromise en cas de déstabilisation du Niger. D’autant plus qu’Alger a longtemps été en concurrence directe avec son voisin marocain sur le projet.