10 novembre 2024

Le « talonisme » et ses héritiers : R. Wadagni, J. Djogbénou, O. Boko et J. Dagnon pour la conservation du pouvoir

Le « talonisme » et ses héritiers : R. Wadagni, J. Djogbénou, O. Boko et J. Dagnon pour la conservation du pouvoir

Aujourd’hui députés, ministres ou hommes de l’ombre, ils sont nombreux dans le camp présidentiel à prétendre à une longue carrière politique. Mais parmi eux, seuls quatre se dégagent pour le statut de futur du camp Talon

Depuis son élection, Patrice Talon contrôle les institutions sans forcément dominer la vie politique. Qu’à cela ne tienne, le président béninois est bien à la tête d’un courant politique majeur du Bénin. Il ne pourra plus se présenter à une élection présidentielle, mais c’est bien lui qui capitalise les sympathies au profit de son camp, c’est encore lui qui attire à ses soutiens l’adversité de l’opinion. C’est enfin toujours lui qui fédère les différentes chapelles politiques qui revendiquent son bilan. En l’absence de Patrice Talon, le bloc politique qu’il s’est donné beaucoup de mal à implanter, ne se laissera pas subtiliser facilement le pouvoir. Le bloc autour du président Talon, n’est ni compact ni homogène ; et d’ailleurs des ambitions sont de plus en plus visibles et incontrôlables par Patrice Talon lui-même.

Durant les sept (7) dernières années, plusieurs figures politiques ont émergé autour de Talon. Des plus controversées aux plus rassurantes, les prétendants sont nombreux et se bousculent pour la succession de leur leader. Il est fort à parier que c’est dans ce cercle que Patrice Talon trouvera celui qui mènera en son nom, la bataille de 2026 et peut-être même celle de 2031. C’est également probable que parmi la dizaine de personnalités qui se sont imposées et qui se détachent, certains s’imposent comme des figures phares de la vie politique du Bénin pour les vingt (20) ou trente (30) prochaines années. Parmi eux, on citera volontiers Charles Toko, Romuald Wadagni, Malick Seïbou Gomina, Orden Alladatin, Sam Adambi, Gérard Gbénonchi, Joseph Djogbénou, Oswald Homéky, Abdoulaye Gounou, Olivier Boko, ou encore Johannes Dagnon. Seulement, tous n’ont pas l’envergure pour un destin national. Peu de gens parmi eux sont des leaders sauf peut-être dans leur commune, au mieux dans une circonscription électorale. D’autres vivent à crédit, sur le dos de Patrice Talon. Ils risquent certainement la disparition du paysage politique aussitôt Talon sorti du palais de la Marina.

Faute de surface politique suffisante et d’équation personnelle, ces cadres ne peuvent pas tous prétendre à la succession de leur chef. C’est un autre niveau. Reste alors dans les starting-blocks pour 2026, quatre personnalités aux profils différents. Il s’agit d’Olivier Boko, de Romuald Wadagni, de Joseph Djogbénou et de Johannes Dagnon,  tous sont des lieutenants de Patrice Talon, des produits de sa gouvernance. Ils portent les empreintes du président de la république, répondent de lui, bénéficient de son aura et paieront s’il le faut, les erreurs de sa présidence. Que ce soit Olivier Boko, Romuald Wadagni, Joseph Djogbénou ou Johannes Dagnon, on ne parlerait pas d’eux à ce niveau, s’il n’y avait pas eu Patrice Talon. C’est la raison pour laquelle, quelles que soient par ailleurs leurs qualités personnelles, ces personnalités sont considérées comme des « enfants » de Patrice Talon. Ceux qui se mobiliseront derrière ces quatre personnalités le feront soit par opportunisme, soit par loyauté à Patrice Talon, en soutien à son action à la tête du pays. C’est ce qui fait dire à certains observateurs que le chef de l’État béninois est dans son camp, le seul propriétaire de l’électorat dont bénéficierait Dagnon, Boko, Wadagni, ou Djogbénou aux présidentielles de 2026. 

Olivier Boko, le vice-président

L’homme des missions les plus compliquées de l’actuel occupant du palais de la marina a joué un rôle important dans l’implantation du pouvoir de Patrice Talon. Il a été de tous les combats aux côtés de son ami et n’a jamais eu froid aux yeux quand il faut mettre en place des opérations périlleuses. Olivier Boko était une pièce essentielle dans la tentative de coup d’État déjouée contre Boni Yayi en 2012. Il a été le premier à se rendre à Cotonou en octobre 2015 pour tester la sincérité du pardon de Boni Yayi. Et après avoir dirigé la campagne de Patrice Talon, il est devenu dans l’esprit de chaque béninois, le n°2 du pouvoir. Le rôle crucial qu’il a joué dans l’intimidation des acteurs politiques « récalcitrants », des médias un peu trop professionnels, des magistrats un peu trop indépendants et des hommes d’affaires jugés trop riches pour coexister avec le système, a fait de lui l’homme le plus craint de la république, après le président Talon lui-même. Les ambitions présidentielles que lui prêtent ses concurrents dans leur propre camp et que certains expriment bruyamment sont jugées précoces et maladroites. Malgré tout, Boko demeure un des fers que Patrice Talon garde aux feux pour neutraliser des prétendants indésirables ou pour couvrir ses arrières.

Romuald Wadagni, le technocrate

Sur le chemin d’Olivier Boko, se dresse un homme d’un profil différent. Plus discret, moins sulfureux, mais tout aussi désireux de s’installer au Palais de la Marina. Le jeune ministre des finances attend patiemment son heure. Brillant et ambitieux, l’influence du ministre d’État, ministre de l’économie, des finances et de la coopération n’a fait que croitre depuis son entrée au gouvernement en avril 2016. Fils d’un ancien haut fonctionnaire de la BECEAO et ex-dignitaire du parti de Bruno Amoussou, Romuald Wadagni est entré assez tardivement dans la galaxie Talon, grâce à Johannes Dagnon. Auditeur au cabinet Deloitte, Wadagni a très vite tapé dans l’œil de celui qui préparait alors sa candidature à l’élection présidentielle au Bénin.

En tant que ministre, Romuald Wadagni est devenu la principale main ouvrière de la politique économique et financière du président Talon. Romuald Wadagni se rêve déjà à la place de Patrice Talon et selon plusieurs sources, l’obtention récente du portefeuille de la coopération et son rôle dans le choix du nouveau ministre des affaires étrangères lui auraient fait penser qu’il était techniquement le plus prêt et le plus légitime pour représenter le camp Taon aux élections de 2026, et poursuivre les chantiers qu’ils ont ouverts et conduits ensemble.

Joseph Djogbénou, l’homme pressé

Le professeur Djogbénou a fait son entrée en politique en 2014 quand l’ONG Alternative Citoyenne dont il était la principale figure de proue, s’était muée en parti politique. Sa jeunesse, ses qualités intellectuelles et la fougue dont il faisait preuve face à la faiblesse et aux erreurs du président Yayi à l’époque, faisaient de lui l’une des figures montantes les plus crédibles de la politique nationale. Un statut confirmé par son éclatante victoire à Cotonou lors des législatives de 2015. Mais ça, c’était avant. Car l’importance politique de Joseph Djogbénou a pris une autre dimension après la victoire de Patrice Talon aux présidentielles de 2016. Joseph Djogbénou a payé de sa crédibilité voire de sa dignité d’intellectuel, les déviances, les revirements et les outrances de la Rupture. Au ministère de la Justice puis à la cour constitutionnelle, Djogbénou a été le visage de la trahison dont les béninois accusent Talon. Pour avoir été considéré comme le bras armé de la casse démocratique, l’universitaire béninois est tenu personnellement responsable du démantèlement du patrimoine démocratique du Bénin.

En raison de ses imprudences et de calculs politiques qui se sont révélés faux, il n’y a plus grand monde dans le camp présidentiel qui pensent raisonnablement que Djogbénou peut nourrir l’ambition de les représenter. Il n’en a plus ni la crédibilité ni la légitimité. Il semble manquer au professeur Djogbénou, en tout cas à ce jour, l’essentiel de ce qui fait un candidat à la présidentielle : l’attractivité. Néanmoins, Joseph Djogbénou espère secrètement un coup du destin sans lequel sa léthargie politique pourrait se transformer en un coma profond.

Johannes Dagnon, le joker

Méfiez-vous des gens dont on ne parle pas et des noms qu’on ne cite pas. Si Johannes Dagnon est le nom le moins cité dans cette compétition pour le dauphinat de Patrice Talon, il n’en est pas moins le favori. Il faut dire qu’il ne manque pas d’atout. Cousin du chef de l’état, le très discret expert-comptable dirige depuis avril 2016 le stratégique Bureau d’Analyse et d’Investigation (BAI) logé à la présidence et qui est chargé de la préparation des principaux projets d’investissement du gouvernement. Fidèle parmi les fidèles, Johannes Dagnon avait été arrêté et détenu environ deux ans dans le cadre de la tentative de coup d’état contre l’ancien président Boni Yayi. Beaucoup estiment que son principal atout pour la succession réside dans ses liens génétiques avec le président. Véritable assurance-vie pour l’homme d’affaires-président et pour la sûreté de son patrimoine, Patrice Talon pourrait également compter sur lui dans sa rivalité avec Boni Yayi.

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