Sous le leadership du président Talon qui a tiré les leçons de ses erreurs, le Bénin a radicalement modifié sa politique étrangère, multipliant les contacts avec les autres pays. Une nouvelle ère s’ouvre pour la diplomatie béninoise.
Julien Coovi
Quelque chose a changé dans la diplomatie béninoise. Depuis quelques mois, le Bénin n’est plus ce pays replié sur lui-même qu’il était devenu avec l’arrivée au pouvoir du président Patrice Talon. Après les nombreuses tensions enregistrées ces dernières années avec ses voisins de la sous-région, le Chef de l’État béninois a décidé d’aller à la conquête du respect de ses homologues dont la majorité le regardait avec un certain détachement, parfois avec un certain mépris. Le grand voisin nigérian avec lequel le Bénin a une grande tradition de coopération économique et sécuritaire, n’a pas hésité à fermer ses frontières pendant près de deux ans, aux produits en provenance du Bénin, alors que les tensions avec le Togo à l’Ouest ont atteint leur paroxysme en avril 2021 quand Patrice Talon accusait publiquement Lomé d’être derrière les faits qu’il reprochait à l’ancienne garde des sceaux Réckya Madougou, arrêtée suite au rejet de sa candidature à l’élection présidentielle tenue quelques jours plus tôt.
Nigéria, la priorité ?
Sous le leadership du président Talon qui a tiré les leçons de ses erreurs, le Bénin a radicalement modifié sa politique étrangère, multipliant les contacts avec les autres pays. Patrice Talon a compris l’importance du Nigeria pour le Bénin, et l’opportunité que constituent son immense population et le dynamisme de ses hommes d’affaires pour l’économie de son pays. Il avait besoin d’un collaborateur qui connait le Nigeria et qui pourrait l’aider à y ouvrir les portes que lui avait obstinément fermées le président Mahammadu Buhari. Il n’a pas hésité à aller chercher Shegoun Adjadi Bakari. Le manque d’expérience diplomatique du jeune banquier d’affaires n’a pas effrayé le numéro 1 béninois dont la vision pragmatique de la diplomatie semble être la seule chose qui ait résisté à cette course contre la montre lancée pour rattraper les conséquences de la diplomatie erratique que le Bénin a eue au cours de ces dernières années. Conséquence immédiate de ce coup de barre à l’est, deux séances de travail en moins d’un mois avec le tout nouveau président nigérian. Les deux hommes se sont d’abord parlé à Paris en marge du sommet pour un nouveau pacte financier, avant de se retrouver à Abuja quelques jours plus tard afin de retenir concrètement les nouvelles modalités de la coopération avec leurs deux pays. D’ailleurs, preuve suprême de ce réchauffement, l’industriel Aliko Dangoté, est annoncé à Cotonou dans les jours à venir. Pendant longtemps, les relations de l’homme le plus riche d’Afrique avec le gouvernement du président Talon avaient houleuses, l’homme d’affaires reprochant aux autorités du Bénin leur politiques anti-concurrentielles. Aliko Dangoté avait annoncé la fermeture de la frontière bénino-nigériane quelques jours avant sa mise en œuvre.
Dans le même temps, les relations se sont réchauffées avec Niamey et le président Bazoum qui avait fait échec quelques mois plus tôt aux ambitions à la tentative du président Talon de faire modifier les textes et les usages de l’UEMOA en matière de répartition des pouvoirs entre le président en exercice et la présidence du conseil des ministres des finances. Un différend vite oublié puisque c’est en grandes pompes que le chef de l’Etat nigérien a été reçu à Cotonou en mars dernier dans le cadre de la coopération sécuritaire contre le terrorisme.
Le Togo résiste
De même, les relations du président Talon avec les autorités ivoiriennes ne se sont jamais aussi bien portées. D’ailleurs, pendant longtemps, le président Ouatarra était pratiquement le seul qui acceptait de parler avec le numéro 1 béninois. Le président ivoirien avait joué un rôle important dans le règlement du différend qui l’opposait – qui l’oppose encore aujourd’hui – au président Yayi. Dans le cadre de la préparation du sommet de la CEDEAO à Bissau, les deux hommes se sont encore entretenus. Mais Lomé reste le dernier bastion à prendre dans ce quadrilatère Cotonou – Abuja – Niamey – Abidjan. Le doyen des chefs d’Etat de la sous-région a la rancune tenace. Les rapports avec le président béninois ont été ponctués de tensions plus ou moins ouvertes, qui ont laissé le président Faure Gnassingbé plutôt amer. Pour combien de temps encore ?