Classement Reporters Sans Frontières (RSF) 2025 : le Bénin en recul en matière de liberté de presse

‘’Reporters Sans Frontières’’, en marge de la commémoration de la Journée Internationale du Travail, a publié son Rapport mondial de l’année 2025.Selon cette organisation non gouvernementale, le Bénin, jadis bon élève, continue sa dégringolade en matière de liberté de presse.

Selon l’Organisation Non Gouvernementale, ‘’Reporters Sans Frontière’’, l’indicateur relatif aux contraintes économiques pesant sur les médias et aux conditions financières du journalisme est, parmi les cinq indicateurs qui composent le Classement mondial de la liberté de la presse, le principal facteur qui tire vers le bas le score global des pays en 2025. « Si les exactions physiques contre les journalistes sont l’aspect le plus visible des atteintes à la liberté de la presse, les pressions économiques, plus insidieuses, sont aussi une entrave majeure. L’indicateur économique du Classement mondial de la liberté de la presse continue de chuter en 2025 et atteint un niveau critique inédit. Conséquence : pour la première fois, la situation de la liberté de la presse devient “difficile” à l’échelle du monde », a ont révélé les enquêtes réalisées.

L’exercice du journalisme, “situation difficile”

« Les résultats du Classement nous alertent, depuis plus de dix ans, sur la dégradation globale de la liberté de la presse dans le monde. En 2025, une nouvelle ligne rouge est franchie : le score moyen de l’ensemble des pays évalués passe sous la barre des 55 points (“situation difficile”). Plus de six pays sur dix (112 au total) voient leur score reculer dans le Classement », a révélé Reporters Sans Frontière. Selon l’organisation, les conditions d’exercice du journalisme, la première fois dans l’histoire du Classement, sont difficiles dans la moitié des pays du monde et satisfaisantes dans moins d’un pays sur quatre seulement.

Le Bénin, toujours sur la pente glissante

Selon le Rapport 2025, la liberté de la presse connaît un recul inquiétant en Afrique subsaharienne où se trouve le Bénin. L’Érythrée (180e) reste dernière du Classement. Le score économique s’est dégradé dans 80 % des pays de la région. En République Démocratique du Congo (133e, – 10), où l’indicateur économique dégringole, le paysage médiatique continue de se polariser et d’être réprimé à l’est du pays. C’est aussi le cas dans d’autres contextes de guerre ou d’instabilité sécuritaire, comme au Burkina Faso (105e, – 19), au Soudan (156e, – 7) ou au Mali (119e, – 5), où des rédactions sont contraintes à la censure, à la fermeture ou à l’exil. L’hyperconcentration de la propriété des médias aux mains de personnalités politiques ou du monde des affaires, sans garantie d’indépendance éditoriale, est aussi récurrente ; que ce soit au Cameroun (131e), au Nigéria (122e, – 10)  ou encore au Rwanda (146e). A contrario, le Sénégal (74e), où les autorités ont lancé des chantiers de réformes économiques qui demandent à être menés avec concertation, gagne 20 places.

Le Bénin, jadis bel exemple en Afrique et dans le monde en matière de la liberté de presse avant 2016, continue sa régression dans ce classement. « La liberté de ton des journalistes a fortement diminué ces dernières années au Bénin. Le paysage médiatique du pays est diversifié, mais marqué par l’absence de grandes entreprises de presse viables », a indiqué le rapport. Ainsi, du 89e rang, il se retrouve en 2025, au 92e au classement mondial.

Restaurer une économie des médias

La situation de la liberté de presse déplorée par l’organisation Reporters Sans Frontière dans son Rapport mondial 2025, est loin d’être une fatalité, selon sa Directrice éditoriale, Anne Bocandé. Il suffit de « garantir un espace médiatique pluraliste, libre et indépendant». Cela « nécessite des conditions financières stables et transparentes. Sans indépendance économique, pas de presse libre. Quand les médias d’information sont fragilisés dans leur économie, ils sont aspirés par la course à l’audience, au prix de la qualité, et peuvent devenir la proie des oligarques ou de décideurs publics qui les instrumentalisent. Quand les journalistes sont paupérisés, ils n’ont plus les moyens de résister aux adversaires de la presse que sont les chantres de la désinformation et de la propagande. Il convient de restaurer une économie des médias qui soit favorable au journalisme et qui garantisse la production d’informations fiables, une production nécessairement coûteuse. Des solutions existent, elles doivent être déployées à grande échelle. L’indépendance financière est une condition vitale pour garantir une information libre, fiable et au service de l’intérêt général».

Lire, ci-dessous,les descriptions issues des enquêtes réalisées sur le Bénin.

Paysage médiatique

À la faveur de la libéralisation de l’espace audiovisuel en 1997, le pays a connu un boom des chaînes de radio. Média préféré des Béninois, elles sont au moins 70 dans le pays. Il existe une quinzaine de chaînes de télévision opérant aux côtés des médias audiovisuels d’État, regroupés au sein de l’Office de radiodiffusion et télévision du Bénin (ORTB). Le Bénin compte une centaine de journaux, dont le quotidien d’État fondé en 1969 la Nation et d’autres titres privés, dont Le Matin, Le Matinal, Fraternité et La Nouvelle Tribune. Les sites d’information et l’Agence Bénin Presse (ABP) complètent le paysage médiatique, qui compte environ 320 médias.

Contexte politique

Dans un pays connu pour sa forte tradition de liberté d’expression datant des années 1990, la liberté de la presse a fortement reculé ces dernières années. Le pouvoir a une influence décisive sur la nomination des principaux responsables des médias d’État et de la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC), organe de régulation. L’ORTB est contrainte de relayer la communication du régime : un comité éditorial composé de membres issus du gouvernement vérifie en amont les reportages du journal télévisé. Les médias proches de l’opposition sont, eux, soumis à de fortes pressions. Nombre d’entre eux s’abstiennent de critiquer ouvertement le gouvernement afin d’éviter des sanctions de la HAAC, qui va parfois jusqu’à suspendre les médias privés donnant la parole à l’opposition. Les autorités influencent également le traitement de l’information au travers de contrats dits de partenariat, qui permettent aux médias d’être rémunérés pour couvrir les activités du gouvernement. Des notes de cadrage indiquent aux rédactions les angles à privilégier.

Cadre légal

La liberté de la presse est garantie par la Constitution du Bénin, révisée en 2019, et est protégée par la loi organique sur la HAAC. Le Code de l’information et de la communication, adopté en 2015, consacre les modalités d’exercice du métier de journaliste. Si ce texte a supprimé les peines privatives de liberté pour les délits de presse et garantit le droit d’accès aux sources publiques d’information, le cadre légal est régulièrement contourné pour s’attaquer aux journalistes. Depuis 2018, le Code du numérique est utilisé pour condamner ceux qui exercent en ligne, notamment via l’accusation de “diffusion par voie électronique de fausses informations affectant la tranquillité publique et complicité de diffusion”.

Contexte économique

Le paysage médiatique est marqué par l’absence de grandes entreprises de presse. La plupart des médias ne sont pas viables et sont confrontés à l’étroitesse du marché publicitaire. Le gouvernement utilise régulièrement son pouvoir sur l’attribution des contrats publicitaires pour en priver certains médias critiques. Si une convention collective est entrée en vigueur en 2017, elle n’est pas respectée et les journalistes vivent dans la précarité, ce qui les expose à la corruption et sape leur indépendance. En janvier 2023, le président Patrice Talon a confié à la HAAC la mission de proposer une réforme du secteur pour améliorer les conditions de vie des journalistes, qui n’a toutefois toujours pas vu le jour.

Société

En théorie, journalistes et médias sont libres de couvrir tous les sujets d’intérêts publics ; mais dans les faits, le pouvoir a, ces dernières années, renforcé son emprise sur le secteur. Depuis que Patrice Talon a accédé à la présidence en 2016, les journalistes ont un accès limité aux données relatives à la situation sécuritaire, aux déplacés internes et aux contrats miniers.

Sécurité

La dégradation de la situation dans le nord du pays, où plusieurs attaques terroristes ont eu lieu ces dernières années, a mené à des atteintes répétées à l’exercice du journalisme, telles que des arrestations, des détentions ou des expulsions. Entre 2022 et 2023, au moins sept journalistes en reportage ont ainsi été arrêtés dans le nord-ouest du pays. Il n’est pas rare que les journalistes soient convoqués devant la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET).

Article précédent

Fête du Travail au Bénin : Éric Houndété plaide pour l’amélioration des conditions des travailleurs

Article suivant

Tour cycliste international du Bénin : Reinardt Janse Van Rensburg remporte l’Étape Ouinhi-Porto-Novo

You might be interested in …