S’il y a un sujet qui fait couler beaucoup d’encre et de salive, c’est bel et bien, l’opportunité d’une révision de la constitution adoptée en 2006. Si les uns adhèrent au toilettage, voire un changement complet de cette loi fondamentale, d’autres, les partis de l’opposition et la société civile, sont catégoriques sur l’inopportunité de cette opération. Du coup, le dialogue risque d’être animé.
Au départ de l’initiative du Chef de l’Etat congolais, Félix Tshisekedi, la pensée de Jean-Eric Gicquel, Professeur de Droit Constitutionnel : « Une constitution est vivante, elle reproduit le cycle biologique. Elle naît, se développe et meurt. » Usant donc de ses prérogatives, conformément à l’article 218 de la Constitution actuelle en vigueur, il a annoncé le mercredi 23 octobre 2024, dans la ville de Kisangani, au Nord-Est, la mise en place d’un Comité scientifique chargé de réviser la Constitution, voire la changer, si nécessité il y aura. Cette initiative est devenue un effet boule de neige. On dirait qu’il vient de taper dans la fourmilière. Au front des critiques, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (Udps), le parti au pouvoir face à la coalition ‘’sursaut national’’. Elle regroupe les acteurs politiques et des membres de la société civile. Alors que l’initiative de révision semble mal partie, le Secrétaire général du parti présidentiel, Augustin Kabuya, a poussé loin le bouchon. En effet, au cours d’un meeting ce jeudi, il a fait une demande officielle au Président Félix Tshisekedi, d’opter carrément pour un changement complet de la loi fondamentale de 2006. Le porte-parole du parti a décrit l’actuel texte comme étant une malédiction pour le la Rdc.
Naturellement, selon la coalition ‘’sursaut national’’, la mouvance présidentielle a franchi le rubicond. Elle se donne pour mission de stopper le régime dans sa tentative de révision ou de changement de la Constitution.
La crise de confiance est au paroxysme
Selon Jean-Eric Gicquel, Professeur de Droit Constitutionnel « …la Constitution, comme tout texte de droit, subit les effets de l’évolution du temps et des circonstances dans une société donnée. À ce titre, elle est donc appelée à évoluer pour s’y adapter et se mettre à jour, si besoin est. Ceci dans la mesure où une vérité jadis absolue, peut ne plus l’être aujourd’hui voire demain. C’est à ce titre que chaque Constitution prévoit en son sein ses propres mécanismes de révision, lesquels peuvent évoluer en fonction de la nature même de la Constitution, avec parfois des procédures de révisions constitutionnelles contraignantes, pour contourner les éventuelles modifications arbitraires ou taillées sur mesure. » Cependant, à côté de cet impératif juridique dû à l’évolution du temps, la Constitution comme loi fondamentale d’une nation, n’échappe pas aux défis et enjeux politiques. Dans certaines situations, l’on se retrouve parfois face à un dilemme entre le besoin d’adapter le texte constitutionnel aux enjeux contemporains, et l’opportunité de la démarche à un instant précis. Malheureusement, c’est le nœud des remous dans la plupart des pays, notamment francophones.
En République Démocratique du Congo, selon la coalition ‘’sursaut national’’, l’initiative de révision de la constitution promulguée par l’ex-Président de la République, Joseph Kabila Kabange, le 18 février 2006, serait un acte de haute trahison. Elle juge l’initiative ‘’inopportune’’, au moment où la lutte contre l’insécurité, le chômage et autres défis constituent les priorités du pays. Selon elle, le président congolais entend modifier le texte suprême pour se maintenir au pouvoir au-delà de son 2ème mandat.
À l’étape actuelle des positions défendues par l’un et l’autre camp, l’on est loin d’un hypothétique consensus requis pour une révision de la constitution. Au demeurant, par quelle alchimie le Chef de l’État congolais, Félix Tshisekedi, parviendra-t-il à convaincre les composantes de sa nation ?