Une délégation d’experts du Parti communiste chinois (Pcc) a séjourné au Bénin, du 18 au 19 novembre 2024 ; ceci, dans le cadre d’un partenariat entre les partis de la majorité présidentielle et le parti-État chinois. Si, a priori, ce rapprochement peut s’expliquer par la coopération entre le Bénin et la Chine, le thème ‘’partenariat’’ laisse dubitative l’opinion publique nationale.
Un partenariat c’est une association en vue de mener une action commune, un système associant des partenaires sociaux ou économiques et qui vise à établir des relations d’étroite collaboration. D’emblée, l’évocation du nom du Bénin et de la Chine est sans équivoque. Parti unique, le Parti Communiste Chinois (Pcc) est l’acteur incontournable pour tout ce qui concerne la Chine, aussi bien sur le territoire national (orientations économiques, aménagement du territoire…) que dans les relations internationales (géopolitique mondiale, mondialisation économique…). En effet, selon l’histoire, victorieux du Kuomintang (parti nationaliste qui se replie à Taïwan), le Parti communiste chinois a proclamé, le 1er octobre 1949, la naissance de la République populaire de Chine. Aujourd’hui, le Pcc est toujours parti unique au pouvoir en Chine continentale et il est présenté officiellement en ces termes : « Le Parti communiste chinois est le parti au pouvoir dans la Chine contemporaine. Il y établit l’organisation centrale et les organisations locales aux divers échelons. Dans l’intervalle des sessions plénières du Comité central du Parti communiste chinois, le Bureau politique et son Comité permanent exercent les pouvoirs et fonctions du Comité central du Parti ».
À cette brève historique du parti Communiste Chinois, s’opposent les terminologies “Union Progressiste le Renouveau”. Le parti UpR, à son origine en 2018, est basé sur la social-démocratie. Or, Le thème social-démocratie désigne un courant politique et économique, apparu au 19ème siècle qui tend à incorporer certains éléments du socialisme dans une démocratie libérale. Une démocratie libérale, c’est-à-dire un système politique ouvert à la délibération populaire et basé sur des élections démocratiques. Tout le contraire du modèle chinois dans lequel le peuple est tenu loin des débats et des orientations stratégiques qui engagent son présent et son avenir.
Quant au Bloc Républicain, lui aussi créé en 2018, il n’est pas plus compatible idéologiquement avec les communistes chinois, vu qu’il repose lui aussi sur une idéologie libérale.
Tout oppose le PCC et les partis de la majorité présidentielle
Sur le plan idéologique, rien n’unit et ne peut rapprocher le Parti Communiste Chinois à l’Union Progressiste le Renouveau. La preuve, c’est le sujet énoncé au cœur des discussions lors de la visite des ‘’experts’’ chinois au Bénin : « Les capacités de l’Union progressiste le Renouveau à exercer le pouvoir ». Ce thème trahit le vrai motif derrière ce partenariat. Il démontre clairement que les dirigeants du parti UP-R visent essentiellement à s’approprier le modus operandi du Parti Communiste Chinois en ce qui concerne sa longévité au pouvoir. Selon Joseph Djogbénou, président de l’UP-R, « le Président Patrice Talon, et son homologue chinois Xi Jinping ont eu raison de considérer que le partenariat entre deux États ne peut s’inscrire dans la durée s’il n’a pas une assise politique forte ». À en croire ses propos à l’ouverture des échanges avec les experts chinois, la conscience politique de chaque responsable dans un parti qui aspire à diriger un pays, est la condition du développement de ce pays. « C’est dans ce cadre que s’inscrit la coopération stratégique, au-delà de celle entre la République populaire de Chine et la République du Bénin, entre le Parti communiste chinois et le parti Union progressiste le Renouveau », avait-il déclaré.
Les tentations d’un parti unique au Bénin !
La Chine est connue pour ses méthodes et ses pratiques totalitaires et répressives. Toute voix discordante en Chine est interdite, vouée aux supplices et sévices corporels ou condamnée à l’exil. Si partenariat il doit y avoir, le parti Union Progressiste le Renouveau devrait se tourner vers l’Allemagne, reconnue et saluée pour sa social-démocratie légendaire. Outre cette puissance européenne, le Canada, les Pays-Bas, à une échelle moindre, peuvent inspirer Joseph Djogbénou et les autres cadres de l’UPR. Même au Bloc Républicain, la fascination pour le modèle chinois est palpable. Le Bloc Républicain qui a aussi échangé avec la délégation chinoise, a circonscrit sa causerie-débat autour du thème, « la modernisation à la chinoise : Grands résultats et retour d’expériences ».
Le vrai danger qui guette le Bénin est l’idéologie chinoise que tente de s’approprier l’UPR. Ce dernier a été imposé comme le plus grand parti sur l’échiquier national. Idem pour le PCC dont le nombre des membres s’élève à plus de 95 millions fin 2021 ; ce qui en fait le deuxième plus grand parti politique du monde derrière le BJP indien (180 millions de membres en 2019). Comme le revendiquent certains membres de la majorité présidentielle au Bénin, c’est du PCC que sont issus les millions de cadres chargés d’accompagner, voire de favoriser, l’évolution économique libérale du pays (ouverture économique au reste du monde, privatisations, etc.) ; ce qui n’est pas le moindre des paradoxes chinois. On compte 40 millions de cadres du PCC, dont 500 000 occupent des fonctions dirigeantes (selon Lambert, 2024).
C’est dire que le Parti Communiste Chinois reste un fondement incontournable, comme y aspirent les partis de la majorité présidentielle du Bénin. C’est lui qui fixe les objectifs et les règles du jeu qui s’imposent aux citoyens, aux entreprises, etc. Ses directives, émises au niveau central, sont ensuite déclinées dans toutes les provinces, les villes, jusqu’à la moindre entité administrative. Les décideurs, que ce soit le maire ou le gouverneur, sont forcément membres du Parti.
Le Bénin en a-t-il la culture ?