Au Bénin, l’alternance au pouvoir, l’un des maillons forts d’un système démocratique, est une évidence. Au-delà de cette caractéristique déterminante, plus d’un s’interroge sur ce qui reste de la démocratie au Bénin ; ceci, au fur et à mesure que les années passent et que des régimes se succèdent. Les règles s’érodent les unes après les autres. Si le fait n’était pas aussi visible dans les tout premières années de l’ère du renouveau démocratique, la marginalisation des minorités en politique suscite de plus en plus d’inquiétudes de nos jours. Il suffit, pour s’en rendre compte, de passer en revue les différentes sessions parlementaires vécues par le parti de l’opposition, ”Les Démocrates”, depuis le début de la 9ème législature. La société civile au Bénin, réduite à sa portion congrue, n’a plus droit de cité.
Tout ceci réuni, loin d’être un avantage pour le Bénin, constitue, selon Philippe N’Seck, ancien journaliste de l’Office de Radiodiffusion et Télévision du Bénin (Ortb), un danger. Selon lui, ” la question de la place de la minorité au sein de l’écosystème politique national est préoccupante et source de fortes tensions.”
Lire sa tribune, intitulée : Parlons-en : peut-on parler de démocratie sans une minorité ?
Parlons-en :
Peut-on parler de démocratie sans une minorité ?
Toute démocratie dans laquelle, aucune attention n’est accordée à la minorité n’en est pas une. C’est de notoriété publique. Toute démocratie par principe, est inclusive et participative. Toutes les voix doivent compter et c’est cela même qui fait le charme et la vitalité de la démocratie.
En opérant autrement, on fait le lit à la frustration, voire, la radicalisation qui représente des menaces pour la paix, la quiétude sociale et le vivre ensemble auxquels aspirent les populations du Bénin de tous horizons. L’exclusion et l’ostracisme sont des bombes à retardement.
Malheureusement, cette tendance déviante de la démocratie semble s’enraciner et se perpétuer dans notre pays. Elle a cours depuis l’avènement du renouveau démocratique. Les acteurs politiques laissent penser qu’une fois démocratiquement élus, ils ont carte blanche pour exercer un droit de vie et de mort sur les citoyens.
On assiste dès lors, impuissant, à des pouvoirs « autoritaires ». Les exemples sont légions. Exception faite du régime de transition à l’issue de la Conférence Nationale de février 1990, à savoir, le premier régime démocratique (1991- 1996) sous l’ère du Premier Ministre puis tout nouveau Président de la République Nicéphore Dieudonné SOGLO, et dans une moindre mesure le retour au pouvoir du général Mathieu KÉRÉKOU (1996 – 2006), sous l’ ère du changement avec le Président Dr Boni YAYI (2006 – 2016) et depuis l’ère de la rupture après la brillante élection en 2016 de l’ homme d’affaires à la magistrature suprême le Président Patrice Guillaume TALON, la question de la place de la minorité au sein de l’écosystème politique national est préoccupante et source de fortes tensions. La scène politique est comme caporalisée et les débats contradictoires ont déserté le forum. Il est désormais à sens unique. Dès qu’un acteur émet un avis critique, c’est le tollé général dans le camp de le classe politique au pouvoir.
Face à la critique, tolérance zéro semble être le maitre mot. A peine, écoute-t-on les voix discordantes dont les auteurs sont systématiquement voués aux gémonies. Tous ceux qui se hasardent à émettre un point de vue contraire à la pensée « unique » s’expose implacablement, à la volée de bois verts des thuriféraires de service. La mission de ces derniers est de vitrioler ou de trainer dans la boue tous ceux qui ont un avis critique ou contraire à ceux des « princes » aux affaires. Leur philosophie, « tous ceux qui ne sont pas avec nous, sont contre nous ». Ils sont prêts à vous dénigrer, à s’en prendre à votre personne, à votre entourage, à votre famille. Ils sont prêts à aller fouiller dans votre gestion si par malheur vous avez exercé une fonction à un niveau quelconque de l’état. La démocratie est certes l’exercice du pouvoir par la majorité. Mais de là, à dénier aux minoritaires, le droit de s’exprimer et de porter un regard critique sur la gouvernance du pays, est un pas qu’il faut se garder de franchir.
Philippe N’SECK