Créée et déployée dans l’opacité et dans la précipitation, la nouvelle Société de Radiodiffusion et Télévision du Bénin (SRTB) est devenue l’un des théâtres d’opération de la guerre fratricide que se livrent trois des dinosaures du régime. Pendant ce temps, la maison est paralysée
Par Julien Coovi
Le combat des gladiateurs a commencé autour de l’audiovisuel public du Bénin, la Srtb (ex-Ortb). Trois clans se sont lancés dans une lutte sans merci pour le contrôle de la maison mère des journalistes, à savoir les clans Patrice Talon, Olivier Boko et Romuald Wadagni. Les agents de l’ancien office devenu société dans une opacité monstrueuse assistent en silence à la descente aux enfers.
L’ex-Ortb devenue Srtb passe désormais sous le contrôle total du ministre des Finances, Romuald Wadagni. L’un de ses hommes de main est devenu le nouveau directeur général en remplacement du jeune Darius Dadé, qui fut un bref instant l’otage d’une querelle au sommet. C’est d’ailleurs la nomination de ce dernier qui a déclenché la tempête. Lui, l’ancien protégé de l’ancien ministre des Sports, Oswald Homéky, désormais soutien de la candidature d’Olivier Boko dont le président Patrice ne veut plus entendre parler.
Furieux donc de voir le contrôle de la Srtb lui échapper avec la nomination de Darius Dadé sous la couverture de son collègue chargé du numérique, le ministre des Finances, Romuald Wadagni, actionne automatiquement son réseau dont la très puissante Chargée de Mission auprès du chef de l’État Sinatou Saka. Cette dernière, censée être la tour de contrôle du Palais sur les questions touchant à l’audiovisuel public devrait s’occuper de fragiliser la nomination du nouveau directeur général. Ce qui fut fait avec les nombreuses décisions prises depuis le Palais pour paralyser le fonctionnement correct de la société. Cela a logiquement abouti à la nomination du nouveau directeur général qui n’est rien d’autre qu’un agent parachuté depuis le ministère des Finances.
Naturellement, ces passes d’armes ont fini de mettre la maison presque à terre. La plupart des acteurs identifiés de cette guéguerre sont étrangers à la Srtb, du ministre des finances à Sinatou Saka en passant par la ministre Aurélie Adam et des DG entrant et sortant. Le seul agent introduit volontairement ou non dans les turpitudes de la maison étant la Directrice de la Télévision, Abiath Oumarou.
Pendant que tout le monde était à la solde de Patrice Talon, l’audiovisuel du service public était marqué par un alignement béat de tous les acteurs derrière le chef suprême. Les principaux directeurs étaient maintenus à leur poste par intérim durant près de 5 ans pour certains. Il appartenait à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication de valider le processus de renouvellement des instances par des appels à candidatures. Un premier appel à candidatures s’est révélé infructueux malgré la pléthore de dossiers. Cela permet au chef de l’État de maintenir ses poulains indéfiniment en place par intérim. C’est ainsi que le prédécesseur de Darius Dadé a fait 5 ans au poste en tant qu’intérimaire.
Tout le processus en cours est sous le signe de l’intérim à tous les postes.
Cet immobilisme a sclérosé tous les compartiments de l’audiovisuel public du Bénin assorti d’une maltraitance indicible des agents qui n’osent plus broncher du fait de la terreur imposée à tout le pays. Le Bénin est l’un des deux ou trois rares pays à ne pas avoir diffusé en direct le moindre match de la Can Côte-d’Ivoire de janvier dernier. Ce fut pareil pour l’édition du Cameroun en 2022.
Il faut dire que la production est pratiquement au point mort. La chaîne est obligée de louer des caméras pour assurer des couvertures médiatiques. Résultat : absence presque totale de nouvelles productions internes. Sinatou Saka depuis le palais se charge de commander des programmes depuis l’extérieur qui passent directement à l’écran. Parfois, les téléspectateurs sont surpris de voir à l’image des logos de chaînes étrangères lors de la diffusion de certains programmes. Même la seule émission politique qui commence par recevoir quelques opposants lors d’échanges contradictoires est passées à la trappe sous prétexte de réformes.
En fait de réforme sur l’audiovisuel public, c’est le combat de gladiateurs autour de la Srtb. Une nouvelle société installée dans l’opacité et la précipitation. Sa création a été annoncée avant même son immatriculation au registre des entreprises. En quelques mois Darius Dadé s’est penché sur l’existence légale de l’entreprise, la création d’un compte bancaire et la recherche d’un logo et des identifiants propres. Pour le moment, la maison continue d’utiliser les logos et les entêtes marqués Ortb jusque sur les fiches de paie des agents.
À suivre