L’éditorial d’Arimi Choubadé
Tous ceux qui ont suivi au moins une fois la chaîne de télévision Tempo Africa connaissent bien ce tic légendaire : “you know”. Souleymane Arouna le servait à toutes les phrases sur le plateau. Il commençait par “you know” et finissait par “you know”. Un anglicisme qui faisait le charme de sa passion exceptionnelle pour la télévision voire le journalisme. Ce qui a le plus retenu l’attention des Béninois c’est le rendez-vous des jeudis qu’il dirige tambours battant avec son ami Malick le “sénégalais”
Le public béninois l’a réellement connu vers la fin du mandat de Kérékou II lorsque certains organes de presse l’annonçaient comme probable présidentiable pour la course présidentielle de 2006. Il était présenté comme un richissime homme d’affaires béninois vivant aux États-Unis d’Amérique amoureux de son pays. L’imposante structure de sa bâtisse de Tokpota à Porto-Novo a fini par convaincre les incrédules de la solidité de ses ambitions pour sa cité. Cet hommage que j’aimerais lui rendre ainsi qu’à sa famille ne peut jamais prétendre aborder toutes les déclinaisons de son combat pour la liberté d’expression et pour toutes les libertés.
Souleymane était presque sûr de pouvoir un jour guérir le Bénin et l’Afrique en général avec le micro et la caméra. Son genre journalistique d’un caractère bien particulier s’en ressent. En effet, le plateau était pour lui-même animateur d’abord avec d’être pour les invités. Je me souviens de ces sempiternelles interventions sur Tempo Africa qui n’étaient rien d’autres que des essais de questions-réponses qui permettent à l’invité de s’imprégner de l’état d’âme de l’intervieweur avant de donner le sien propre. Souleymane était d’office un acteur du débat. Il était si immense et si volubile que les autres étaient à peine visibles.
En tout cas, le style de télévision était unique pour ne pas dire spécial. Il faisait parler l’Afrique depuis les États-Unis. Je peux même me permettre d’accuser Tempo Africa d’avoir empêché Souleymane de venir en Afrique ces 10 dernières années et au-delà. Le monsieur avait l’Afrique en grand format sur sa télévision tous les jours. Il osait le débat à propos de tout à travers sa chaîne avec une préférence particulière pour l’espace francophone en général, malgré son “you know” bien évidemment.
Hommage pour hommage, plus personnellement mon plus grand regret est de ne l’avoir jamais rencontré physiquement contrairement à son frère l’ambassadeur Omar que j’ai découvert dans un festival pour Porto-Novo vers les années 2008 et avec qui je partageais le QG de Azalai à Cotonou. Sans oublier une visite guidée qu’il m’a offerte en 2014 sur le site des turbines à gaz de Maria Gléta au plus fort des controverses sur ce projet financé avec le concours du gouvernement Américain par le truchement de MCA. Et pourtant à chaque fois que j’étais sur Tempo Africa TV il me parlait comme à un vieil ami, à son “Baobab” comme il m’appelait. En décembre 2022, il m’a fait part de son accident mortel, des photos effroyables à l’appui, dans l’État de Maryland aux États-Unis, une sortie de route spectaculaire suivie de plusieurs tonneaux pour le véhicule. Avec mon confrère Bachirou Assouma nous avions assisté à la petite prière de reconnaissance à Allah organisée à son domicile à Porto-Novo, à cet effet, le 24 décembre 2022 où j’ai fait la connaissance de sa maman. Il n’a jamais cessé de me remercier pour ma présence à cette manifestation solennelle familiale. Mon autre regret est que nos relations ont connu un coup de froid ces derniers temps pour un banal différend dont moi-même je ne me souviens plus. Et pourtant fin décembre 2023 Tempo Africa TV m’avait décerné un certificat d’appréciation signé de Malick Sall que je garde jalousement dans mes souvenirs. J’étais loin d’imaginer que c’était son aurevoir à mon endroit.
Aurevoir Souley…
