L’éditorial de Julien Coovi
Par le plus grand des hasards, je me suis retrouvé samedi dernier dans un maquis assez fréquenté du quartier Midombo à Cotonou, où j’ai assisté à une conversation glaçante. Les trois occupants de la table à côté de moi parlaient de la police béninoise et de sa facilité à tuer. Naturellement, le sort du jeune Martin Hounga, froidement abattu une dizaine de jours plus tôt, et le communiqué tardif de la direction générale de la Police Républicaine étaient en arrière-plan de cette conversation.
Les béninois ont peur de leur police. Il ne s’agit pas du tout de la fameuse « peur du gendarme » dont on dit qu’elle est le début de la sagesse. Il s’agit d’un réel sentiment de terreur inspiré par des fonctionnaires armés qu’ils pensaient déjà corrompus, mais qui ont acquis ces dernières années une effrayante compétence, celle de tirer de sang-froid sur des civils désarmés sans jamais être inquiétés par la justice. Dans un Etat de droit, ce sentiment devrait inquiéter les responsables de la police ainsi que les autorités politiques auxquelles ils obéissent. J’aimerais pouvoir dire que c’est le cas actuellement au Bénin. Hélas non !
Déjà perçue comme gravement gangrénée par la corruption depuis des décennies, l’image de la police républicaine s’est davantage dégradée depuis les changements qu’il y a eus au sein de son commandement à partir de 2019. Cette police ne leur inspire plus aucune sécurité, ni confiance. Chacun craint désormais de se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment avec un policier un peu énervé, ou psychologiquement perturbé, pour se retrouver criblé de balles, sans que jamais le policier ne soit inquiété par la justice.
Le sentiment qui anime la majorité des béninois c’est qu’au nom de « la protection des personnes et des biens » et sous le couvert d’ « opérations de lutte contre le grand banditisme dans les villes et campagnes », le policier béninois peut désormais se permettre les bavures qu’il veut, il peut décider de qui doit mourir et qui doit vivre. Il ne risquera rien.
Il a fallu plus d’une semaine, des manifestations, et une saisine de la cour constitutionnelle pour que la police béninoise, ne consente à sortir enfin du silence dédaigneux dans lequel elle s’était murée. Il a fallu plus de sept (7) jours pour que l’institution dirigée par Soumaïla YAYA avoue ce énième meurtre, perpétré de sang-froid par des personnes investies de l’autorité publique. Il a fallu plus de sept (7) jours pour qu’elle avoue indirectement avoir ‘’caché’’ la dépouille du malheureux enfant que deux de ses agents ont froidement abattu le 4 septembre dernier, et que sa famille a fouillé tous les commissariats et toutes les morgues pour tenter de retrouver.
Martin Hounga n’était qu’un enfant, 18 ans à peine ! Il avait la vie devant lui. Contrairement à ce que laisse entendre le communiqué de la police, l’enfant ne menait aucune activité délictuelle. Son frère en compagnie duquel il a été tué, a déclaré qu’ils revenaient ensemble de chez leur oncle, et n’auraient commis aucun autre délit que celui d’être montés à deux derrière une mototaxi qui aurait refusé de s’arrêter. Était-ce un motif suffisant pour mourir ? Nous espérons que les enquêtes tardivement annoncées par la police permettront effectivement d’élucider les conditions dans lesquelles cet enfant a été tué, et que contrairement aux nombreux autres cas précédents de citoyens morts sous les balles de la police, l’auteur de celui-ci répondra de son acte.
Il y va de la crédibilité de la police, et de la respectabilité de la Justice.
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