Qu’est-ce qu’un coup d’état ?
L’encyclopédie Larousse en ligne définit le coup d’état comme « une action de force, menée par une fraction des gouvernants, pour fonder, renverser ou conserver les pouvoirs publics.”
Par Julien Coovi
Un coup d’État n’a donc pas besoin d’hommes en armes et des bruits de bottes pour se réaliser. Il est même bien plus souvent l’œuvre de délinquants politiques en col blanc que te militaires assoiffés de pouvoir. Il suffit de reconsidérer calmement les événements politiques qui se sont succédés au Bénin entre le 5 et le 14 mars 2024, leurs principaux acteurs et les conséquences qu’ils auront inéluctablement sur les processus démocratiques dans ce pays, pour se convaincre de ce que le Bénin est désormais sous la coupe réglée d’une junte civile, prête à toutes les transgressions, pour conserver ses privilèges. En validant point par point toutes les nouvelles dispositions introduites dans le code électoral, au mépris de leur conflit avec la constitution et des risques de violence dont elles sont porteuses, le professeur Dorothée Sossa et ses six collègues de la cour constitutionnelle ont pris en toute conscience, la responsabilité de détruire les derniers vestiges du modèle de société issu de la Conférence Nationale de 1990. C’est-à-dire un pays de pluralisme démocratique où chaque institution équilibre le pouvoir de l’Exécutif, et où le peuple est l’unique propriétaire du pouvoir d’état.
En mai 2019, Patrice Talon s’est emparé de la cour constitutionnelle en y plaçant des serviteurs incapables de lui dire non, ce qui lui a permis, dix mois plus tard d’exclure l’opposition du parlement (quitte à la faire revenir 4 ans plus tard sous sa plus simple expression), puis de l’écarter de la course à la présidentielle. Hier, Dorothée Sossa a définitivement blanchi un système de privatisation de l’espace politique béninois, en remettant entre les mains des partis politiques dominants, le pouvoir de décider de qui peut figurer sur le bulletin unique d’une élection présidentielle au Bénin. Qu’importe si pour le faire, le juge constitutionnel béninois n’a pas eu peur de manger son chapeau et de se déjuger sur des décisions qu’elle avait rendues peu de temps avant. C’est un tournant majeur.
En à peine un mandat, le Président Patrice Talon a fait s’écrouler comme un château de cartes tout ce que les béninois brandissaient fièrement comme leurs « acquis démocratiques ». Il l’a fait avec méthode, il l’a fait avec patience, en n’ayant jamais peur de franchir les limites que personne avant lui n’avait jamais osé franchir. Et il ne l’a pas fait seul, ils ne le font jamais seuls, évidemment. L’homme d’affaires a su se constituer une petite brigade de politicards sans scrupule, d’intellectuels mercenaires, de magistrats carriéristes et de militaires sans honneur pour concevoir et implanter son système de confiscation du pouvoir. Il a su trouver les mots pour les libérer de leur pudeur républicaine et les ensauvager, ainsi que les moyens de les récompenser de leur radicalité. Ahouanvoébla Augustin est devenu tout gras, il n’a (plus) peur de rien, ça se voit dans la morgue qu’il arbore sur les reculs démocratiques dont il est accusé d’être le porte-flingue. Joseph Djogbénou, Orden Alladatin, Aké Natondé ou Louis Vlavonou, ne semblent pas davantage dérangés par l’érosion progressive et la disparition désormais définitive de l’architecture démocratique grâce à laquelle ils ont obtenu leurs premiers mandats d’élu.
Le Bénin de Patrice Talon est sous un coup d’état permanent. Il ne lui reste, j’en ai bien peur, aucune solution démocratique pour s’en débarrasser. C’est sans doute pour cette raison que beaucoup de personnes ont souri en écoutant le vice-Président des Démocrates, Éric Houndété, promettre que ce code électoral ne pourra pas empêcher son parti de gagner les élections générales de 2026.