Voici comment l’inexpérience diplomatique du duo Tinubu-Talon, combinée à la peur des autres présidents de la sous-région d’être les prochains sur la liste, a transformé une crise politique interne au Niger, en un risque d’affrontement armée entre plusieurs pays de la sous-région.
L’ultimatum de la CEDEAO aux militaires qui ont pris le pouvoir à Niamey le 26 juillet a expiré le dimanche 6 août dernier à minuit et la situation est plus que jamais électrique dans la sous-région. Les chefs d’état réunis en sommet extraordinaire à Abuja quelques jours après le putsch contre le président Bazoum avaient donné une semaine au Général Tchiani et à ses hommes pour libérer le président déchu et le réinstaller dans ses fonctions. Faute de quoi, ils interviendraient militairement pour « rétablir l’ordre constitutionnel ». Et pour bien montrer qu’ils ne bluffaient pas, leurs chefs d’état majors se sont réunis les jours suivants pour planifier l’opération. Mais quarante (48) heures après l’expiration de l’ultimatum, le président Mohamed Bazoum est toujours prisonnier de la junte, tandis que les premiers mouvements de la force ouest-africaine se font toujours attendre. Aucun regroupement de troupes n’a été signalé au Nigeria (leader opérationnel désigné de l’intervention), encore moins au Bénin, au Sénégal ou en Côte-d’Ivoire, les trois autres pays les plus belliqueux face aux putschistes nigériens.
Opération incertaine
Pour leur part, et fortes du soutien de leurs voisins burkinabè et maliens et d’une grande partie des opinions publiques nigérienne et ouest-africaine, les nouvelles autorités de Niamey restent jusque-là imperméables à ces menaces, sans toutefois négliger les précautions d’usage. Selon plusieurs médias français, ils auraient sollicité l’appui du groupe Wagner, la sulfureuse société militaire privée russe qui protège les juntes maliennes, burkinabè et le régime centrafricain. Ils ont également fermé Dimanche nuit le ciel nigérien et prévenu qu’ils abattraient sans sommation tout aéronef qui violerait ce blocus. Pendant ce temps, un semblant de normalité s’installe au Niger.
Très impopulaire, l’opération en cours de préparation pourrait ne jamais avoir lieu. Outre la mise en garde des pays voisins du Niger, dont l’Algérie qui partage plus de 1000 km de frontière avec le pays, le vote des sénateurs nigérians le samedi dernier a jeté un coup de froid sur l’enthousiasme de tous les va-t-en-guerre d’Abuja à Paris en passant par Dakar, Cotonou et Abidjan. Paris, parce que le discours extrêmement dur des autorités françaises à l’encontre de la junte militaire, et l’intérêt croissant qu’elle portent au projet d’intervention de la Cedeao font craindre la probabilité d’une implication plus ou moins ouverte des forces françaises (déjà présentes sur le sol nigérien) dans une éventuelle intervention militaire de la Cedeao. Dimanche matin, Christine Colona, la cheffe de la diplomatie française laissait encore entendre que le vote des sénateurs nigérians ne changeait rien au plan d’intervention.
Réputation détruite
Beaucoup d’experts militaires estiment par ailleurs que même l’armée nigériane, la plus puissante de la région, ne dispose pas des compétences, des moyens et de la logistique nécessaires pour mener une telle opération. D’ailleurs, la presse française dans sa quasi-totalité semblait unanime pour dire que l’intervention militaire ne serait qu’une affaire de temps. Les dirigeants de la Cedeao prévoient de se revoir demain jeudi pour décider de la suite à donner à leur ultimatum. Une opération au Niger, se déroulera en milieu urbain, dans un milieu extrêmement hostile, où les milices populaires se sont formées et semblent prêtes à se battre. Elle serait donc un véritable carnage. Mais s’ils décident au final de sursoir à l’intervention et que la crise politique nigérienne se dénoue selon les règles fixées par la junte militaire, ce serait un camouflet retentissant pour l’institution. Pourquoi avoir fixé un ultimatum qu’on n’a pas les moyens de faire respecter ? La question se posera bien vite. Il faut dire que des doutes se sont exprimés très tôt sur la compétence du nouveau président nigérian Bola Ahmed Tinubu et de son allié béninois Patrice Talon, pour la gestion d’un dossier aussi délicat que la crise nigérienne. Pour beaucoup, les sanctions prises et les annonces faites presque immédiatement relevaient plus de l’émotion que d’une certaine intelligence politique