La décision du président sénégalais Macky Sall de reporter l’élection présidentielle prévue pour le 25 février 2024 a suscité des réactions mitigées, notamment celle de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest. La flexibilité affichée par l’organisation régionale a généré des critiques. Patrice Talon, prenant la parole lors d’une conférence de presse ce jeudi 8 février, explique la position de la CEDEAO face à cette situation délicate.
La situation au Sénégal est préoccupante. À quelques heures du lancement de la campagne pour la présidentielle prévue pour le 25 février 2024, le président Macky Sall a annoncé le report du scrutin. En réaction, la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest a indiqué avoir pris acte de la décision. Mais cette réaction de l’organisation a été très critiquée dans l’opinion publique. Selon plusieurs personnes, il s’agit d’une atteinte à la démocratie qu’il faut condamner. Après adoption de la loi sur le report de la présidentielle par l’Assemblée Nationale sénégalaise, la CEDEAO a « encouragé la classe politique à prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour rétablir le calendrier électoral conformément aux dispositions de la Constitution du Sénégal ». Une réaction peu convaincante selon plusieurs observateurs de la vie politique.
En conférence de presse ce jeudi 8 février, le président béninois Patrice Talon a tenté de justifier la flexibilité de la CEDEAO face au cas de Macky Sall au Sénégal. Il a évoqué le dilemme entre le respect de la souveraineté nationale de chaque pays membre de la CEDEAO et le rôle de l’organisation en tant que garante de la démocratie, des libertés et des droits fondamentaux.
« Le Sénégal est en difficulté », a reconnu Patrice Talon avant de poursuivre : « Et ce qu’on observe au Sénégal et qui est regrettable, est de nature aujourd’hui à nous interpeller sur le rôle des communautés auxquelles nous appartenons. Est-ce que la CEDEAO, l’UEMOA, cette fois-ci doivent condamner ou non ? », s’interroge-t-il. Le président béninois se réfère au cas du Niger pour faire une petite analyse. « Quand on condamne, on dit faut pas condamner, on sanctionne, on dit faut pas sanctionner. Il faut faire quoi ? On dit non, si vous avez condamné ici, il faut condamner là-bas. D’accord, on l’a fait. Le Burkina n’a pas été sanctionné, pas du tout. Mais le Niger oui parce qu’on a dit, à un moment donné, trop c’est trop. Ce “trop c’est trop” continue et un autre s’ajoute. Il faut faire quoi ? Est-ce que la CEDEAO doit condamner, dire non ? C’est pas admissible ! Non, revenez en arrière. Non, si ce n’est pas fait, voilà les sanctions ! On va dire non, mais ils n’ont pas vu ce qui se passe au Niger ? On l’a fait au Niger, voilà où ça nous a amenés. Donc moi, je suis perdu. C’est là que j’interpelle les médias, j’interpelle le peuple. Parfois, dites-nous ce qu’il faut faire. Moi, j’ai entendu mes populations majoritairement dire qu’il ne faut pas sanctionner le Niger. Parce que c’est nos frères et sœurs qui vont souffrir et j’ai dit oui, d’accord. Mais moi dans mon rôle, je ne peux pas faire ce que vous me demandez ».
Selon le Chef d’État béninois, peut-être désormais, « nous devons considérer que les problèmes politiques, problèmes de démocratie, de liberté, de droit de l’homme et consort dans les pays de la communauté, ce n’est pas l’affaire de la communauté. Peut-être qu’on finira par en arriver là. Peut-être qu’à l’avenir, on dira que ça relève de la souveraineté exclusive des pays et que la CEDEAO et l’UEMOA ne doivent pas se prononcer là-dessus. Peut-être ! Si je pourrais faire un référendum, je le ferai pour demander aux autres intellectuels, à la masse, aux acteurs politiques : “est-ce que le Bénin doit plaider au niveau de ces institutions, pour qu’on enlève de leurs missions, on enlève des prérogatives des institutions, ce fait d’être le garant de la démocratie, le garant des libertés, le garant des droits fondamentaux ?” Parce que c’est le fait d’être garant qui amène les positions que nous adoptons et qui posent ces problèmes-là ».