Santé / CNHU : incompétence ou négligences meurtrières ?

Santé / CNHU : incompétence ou négligences meurtrières ?

Une jeune femme béninoise est à l’article de la mort après avoir subi une véritable boucherie lors de son accouchement à la clinique universitaire de gynécologie et d’obstétrique (CUGO). Situation aggravante, le personnel soignant fait tout pour dissimuler les preuves, tandis que les pouvoirs publics restent obstinément sourds aux appels au secours de la famille. Voyage au cœur d’un scandale médical.

Annie Y. était une jeune femme pétillante de forme et sans histoire. Avec son sourire toujours accroché au visage, cette jeune étudiante de 22 ans était un véritable rayon de lumière pour son entourage. « Elle était capable, rien que par son rire, de te faire oublier tes problèmes », nous a confié un de ses frères. Quand Annie entrait au service de gynécologie obstétrique du centre national hospitalier universitaire Hubert Maga de Cotonou le 14 avril dernier, sa famille et elle étaient loin d’imaginer que cette joie de vivre irradiante se transformerait rapidement en un authentique enfer. Entre les douleurs abdominales insupportables et permanentes, les hémorragies, l’écoulement de liquides infectes de son utérus, et d’interminables aller-retour entre l’hôpital et la maison, Annie a perdu jusqu’à l’espoir de survivre, mais avant toute éventualité tragique, elle tient plus que tout, à comprendre ce qu’il s’est passé, comment elle peut sortir aussi démolie du bloc opératoire du plus grand hôpital du Bénin, alors qu’elle n’y était entrée que pour donner la vie.

Au bout d’une grossesse qui s’était bien déroulée, la jeune femme a été admise dans le service de gynécologie obstétrique du CNHU-HKM la nuit du 14 avril 2023. Elle sera opérée au bout de quelques heures et donnera naissance à un enfant en bonne santé. Tout semblait s’être bien déroulé et au bout quelques jours d’hospitalisation, le bébé et la maman furent autorisés à rentrer. Dès le 23 avril, peu après son retour à la maison, la femme fut saisie d’atroces douleurs au bas-ventre suivies d’une fièvre très élevée qui la laissèrent quasi inconsciente. Elle sera admise d’urgence dans une clinique près de chez elle à Godomey pour y être soignée. Ils réussirent en effet à la réanimer et à calmer temporairement les douleurs.

Des débris dans le ventre

Les jours suivants, le ventre de la patiente a repris du volume laissant croire qu’elle était de nouveau enceinte. Le personnel de la clinique Saint Augustin de Godomey où elle avait été réanimée quelques jours auparavant ont alors demandé une échographie pelvienne dont les résultats étaient sans appel. Les clichés indiquaient en effet la présence d’une inflammation suspecte du péritoine, avec des débris dans le ventre. Conduite de nouveau au CNHU, elle est admise cette fois-ci en chirurgie viscérale où elle subira une deuxième intervention chirurgicale le 11 mai pour une péritonite aigüe provoquée par une césarienne mal réalisée. Mais la jeune Annie n’était pas au bout de son calvaire médical. Car les douleurs abdominales ont repris de plus belle. Et pour cause, l’équipe du 11 mai ne semble pas avoir fait preuve de plus de compétence que ses collègues obstétriciens.

Fistules post-opératoires multiples

Le lundi 12 juin, soit quelques jours après cette deuxième intervention, elle est admise à nouveau en chirurgie viscérale pour une troisième opération suite à d’atroces douleurs dans l’abdomen précédées d’écoulement d’un liquide noir aux puanteurs similaires à de la matière fécale. Les images que nous avons reçues de ces débris qui sortaient du corps de la jeune femme sont insoutenables. Elle retournera une fois de plus au CNHU où elle sera reçue par le docteur PONCE qui lui diagnostiquera des fistules strercorales post-opératoires. Son gros intestin aurait donc été perforée lors de la deuxième opération laissant passer de la matière fécale ailleurs que dans le canal prévu pour. Diagnostic confirmé par l’échographie réalisée le 16 juin 2023. La tentative de réparation de ces fistules par une troisième opération ne sera pas plus réussie que les précédentes. Pire, l’équipe qui l’a opérée en juin semble avoir oublié quelques objets dans son abdomen, provoquant à nouveau des douleurs insupportables. Jeudi dernier alors qu’elle était dans les toilettes elle sentit un objet sortir de son bas-ventre. Après vérification, ce sera du compress.

Maltraitances médicales volontaires ?

Elle sera opérée une quatrième fois…

Comme si son calvaire chirurgical n’était pas assez éprouvant pour elle, Annie Y. a été comme oubliée des jours durant à l’unité des soins intensifs où elle attendait une énième opération. Entre ses évanouissements pour remplacement tardif de la bouteille d’oxygène, engueulades des infirmiers de garde et déni de ses douleurs, Annie Y. subira une véritable torture physique et morale au sein de cette unité. Ses parents assurent qu’elle aurait pu mourir de ces maltraitances s’ils n’avaient pas parfois haussé le ton et menacé poursuite.

Joignant la parole à l’acte, la famille d’Annie Y. a appelé le numéro vert du ministère de la santé et écrit au bureau des plaintes de la Présidence de la République, en vain. Ils ont même saisi le procureur de la République près le tribunal de Cotonou d’une plainte le 26 juin 2023 qui est restée jusqu’à présent sans suite.

La situation d’Annie Y. n’est pas sans rappeler celle de la journaliste Marlène Zomahoun dont le décès en mai 2023 avait ému l’opinion publique et amené les autorités à lancer des poursuites contre le médecin qui l’avait opérée. Comme Annie Y. elle aussi avait subi une césarienne ratée au cours de laquelle le médecin avait oublié du matériel dans son utérus.

Compétence insuffisante, manque de concentration, plateau technique insuffisant ou mauvaise volonté ? Les questions fusent et restent sans réponse. Toujours est-il que les drames semblables à celui qui frappe Annie Y. se multiplient au sein du plus grand hôpital du Bénin. Le mercredi 12 juillet 2023, une autre femme rendait l’âme dans le même hôpital. Agnès Adimi faisait partie du personnel du CNHU. Sa famille est convaincue qu’elle est morte à cause d’une série d’erreurs de ses collègues. Peut-on espérer un jour un CNHU sûr pour ses patients ? Les réformes menées le pieds au planché par le gouvernement Talon avaient un temps fait croire qu’une nouvelle ère s’ouvrait pour cet hôpital. Il faut croire que non.

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