Politique/Bénin : « Il y a encore beaucoup de frustration dans le pays », Robert Dossou

Politique/Bénin : « Il y a encore beaucoup de frustration dans le pays », Robert Dossou

Dans l’entretien qu’il a accordé dimanche dernier à une radio locale, maitre Robert Dossou est longuement revenu sur la gouvernance politique du président Talon et sur le sort des opposants emprisonnés ou exilés.

Me Robert Dossou n’en démord pas, le Bénin a cessé d’être une démocratie libérale depuis que Patrice Talon s’est installé au Palais de la Marina. L’ancien président de la Cour Constitutionnelle qu’on n’a plus entendu sur l’actualité nationale depuis très longtemps était reçu dimanche dernier, 23 juillet 2023 sur Peace FM, l’une des toutes nouvelles radios du paysage audiovisuel national où il a réitéré les critiques qu’il faisait à la gouvernance du président Talon. Il constate que malgré la relative ouverture qu’il y a eue lors des dernières élections législatives, « il y a encore beaucoup de frustration et beaucoup de crispation dans le pays. »

Grâce et amnistie

Pour l’ancien organisateur de la conférence nationale des forces vives de la nation, cette tension est encore perceptible parce que de nombreux opposants sont encore maintenus en détention et que l’exil de dizaines d’autres se prolonge. « Il y a quelques jours, déplore l’octogénaire, le professeur Joël Aïvo a fêté ses 50 ans en prison, loin de sa femme et de ses deux enfants. Il est temps qu’il sorte de là. » L’universitaire et candidat du FRD recallé aux dernières élections présidentielles d’Avril 2021, avait été arrêté quatre jours après le scrutin et condamné à 10 ans de prison ferme pour tentative de coup d’État et blanchiment de capitaux lors d’un procès unanimement dénoncé comme parodique et au cours duquel maitre Robert Dossou coordonnait le collège des avocats de l’opposant. Le 11 décembre 2021, soit quelques jours après le procès de Joël Aïvo, l’ancienne garde des sceaux Réckya Madougou écopait d’une peine de 20 ans de prison pour terrorisme. Sa candidature à elle aussi avait été recallée pour la même élection. « Je ne souhaite pas revenir sur ce qu’on a pu alléguer pour les condamner, poursuit l’avocat, mais je souhaite qu’ils soient graciés, en attendant de trouver une solution pour l’amnistie ».

Échec de la réforme du système partisan

Pour lui, le contexte est si propice à leur libération qu’ils ne représenteraient plus aucune menace pour le projet politique du président Talon. En effet, il ne reste plus grand-chose du modèle démocratique issue de la conférence nationale de février 1990 dont le président Talon a publiquement critiqué à maintes reprises l’héritage. Lors des cinq dernières années, le régime de l’homme d’affaires a réussi à transformer les institutions en de simples chambres d’enregistrement des désirs du pouvoir exécutif, et tenté d’imposer un système partisan construit autour de deux blocs qui domineraient l’animation de la vie politique. Pour Robert Dossou, même si ce dernier projet a clairement échoué comme il l’avait prévu, la nouvelle configuration des institutions est déjà en place et les opposants emprisonnés ne risquent plus d’en compromettre la pérennité. L’ancien député à l’assemblée nationale révolutionnaire (le parlement du régime militaro-marxiste, 1972-1990, ndlr) n’exclut même pas qu’en graciant ses opposants, le président Talon « trouve des supporters parmi eux ».  

Une perspective difficile à imaginer dans le contexte actuel, étant donné l’intransigeance dont le régime a fait preuve jusque-là dans la gestion des cas de ses opposants emprisonnés ou poussés à l’exil. En juillet 2022, dans le cadre de la préparation des festivités du 1er août, et pour pouvoir s’assurer leur présence à ses côtés, le président Patrice Talon s’était engagé auprès de ses prédécesseurs à faire libérer les prisonniers politiques dès le lendemain des célébrations officielles. Un an après ces promesses, et alors que les anciens présidents ont rempli leur part du deal, les personnes concernées sont toujours derrière les barreaux et le président Talon a coupé tout contact avec ses prédécesseurs.

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