19 septembre 2024

2026, le grand dilemme de Patrice Talon

2026, le grand dilemme de Patrice Talon

Depuis quelque mois, cinq personnes appartenant au cercle familial de Patrice Talon travaillent secrètement sur les scenarios possibles pour la succession du Chef de l’État béninois. L’idée d’une succession arrangée est la plus séduisante. Mais elle comporte des risques que certains parmi eux n’aimeraient pas prendre. Deux autres options sont sur la table.

Julien Coovi

Le Président Patrice Talon le dit à qui veut l’entendre, il quittera le pouvoir à la fin de son 2e mandat. Un engagement qu’il a pris dès le lendemain de sa réélection contestée en avril 2021. Si ce dernier engagement ne connaît pas le même sort que celui du mandat unique, Patrice Talon égrène donc son dernier mandat à la tête du Bénin. Et à moins de 3 ans de cette échéance, les appétits s’activent secrètement ou bruyamment. Mais comme l’on pouvait s’y attendre, les prétendants dans l’entourage du chef de l’État ne se préoccupent pas beaucoup de ce que peut en penser le peuple, parce qu’ils se sont persuadés que la succession de Patrice Talon se décidera avec la seule volonté du locataire actuel de la Marina. En conséquence, les prétendants cachés ou révélés sont tous attentifs aux faits et gestes de Patrice Talon. Il faut dire qu’en 7 ans de pouvoir, Patrice Talon n’a renoncé à rien pour se donner les moyens de mettre le pays à genoux devant lui. Il gère le Bénin comme sa propriété. Le gouvernement et toutes les institutions de l’Etat sont d’abord à son service avant d’être au service des béninois.

Malgré toute cette puissance, le président Talon devra néanmoins passer le témoin en 2026. Mais le passer à qui et avec quelle assurance pour la continuité de ses réformes, pour sa propre sécurité, celle de sa famille et pour la sûreté du patrimoine qu’il s’est constitué durant ses deux mandats ? La réponse n’est simple ni pour lui, ni pour sa famille qui a les yeux rivés sur les scénarii qui leur parviennent. Voici en exclusivité les 3 options sur lesquelles travaillent les 5 personnes du cercle familial du Président béninois.

La succession arrangée : assurance vie ou mirage ?

Il faut le dire d’emblée, la succession arrangée est la première option privilégiée par l’entourage du Président Talon. Elle consisterait à utiliser les institutions de l’État pour imposer un dauphin identifié comme celui à même de préserver les acquis de sa présidence et les intérêts de son clan. Ils imaginent que ce plan serait capable de résister aux pressions populaires et internationales en cas d’élections forcées ou volées, ou même en cas de dérives. L’Afrique en a connu quelques cas. L’avantage apparent de cette option, c’est qu’elle permet effectivement de pérenniser le système et ses acquis. Les proches du pouvoir vont se redéployer dans l’appareil de l’Etat, une sorte de jeu de chaises musicales dans lequel tous les caciques du pouvoir pourraient être recasés. D’ailleurs, les réflexions qui sont faites en ce moment par les proches de Patrice Talon l’invitent à passer la main à un dauphin, un fidèle parmi les fidèles. Tous ceux qui murmurent aux oreilles du locataire du Palais de la Marina, y compris les officiers de l’Armée se focalisent sur la continuité du régime. Ils ne sont préoccupés que par la poursuite de la dynamique en cours et la sauvegarde des intérêts vitaux de quelques-uns parmi eux.

Malheureusement, aucun des promoteurs de la succession arrangée ne parle à Patrice Talon, de sa propre sécurité, de la sécurité de ses enfants et de celles de son patrimoine. Personne ne le rassure que, même s’il parvenait à imposer à la tête de l’Etat un dauphin, ses enfants ne seront pas un jour contraints à l’exil, arrêtés et traînés devant la justice. Personne ne rassure le Président béninois que, comme certains de ses pairs africains qui ont essayé la formule de la succession arrangée, lui-même ne sera pas poussé à l’exil, dépouillé de ses biens, ruiné et traqué par la justice. Même si les cadres autour de Patrice Talon refusent de voir cette réalité, plusieurs anciens chefs d’état africains et leurs familles ont subi le sort tragique de la trahison du fidèle parmi les fidèles. Tous les conseillers actuels de Patrice Talon occultent les risques que le chef d’Etat béninois pourrait courir personnellement quand les besoins d’émancipation du dauphin commenceront à s’exprimer.

La vraie question pour Patrice Talon

La vraie question dans une succession comme celle qui est proposée à Patrice Talon, n’est pas de savoir si les ministres, les députés, les maires et les cadres de l’administration vont rester en fonction et continuer de jouir de leurs privilèges. La vraie question pour un homme comme Patrice Talon est celle des risques qui pèsent sur sa tête et celles de sa famille. Malheureusement personne ne peut lui fournir de garantie fiable ni d’assurance que demain même son fidèle ami, son collaborateur aujourd’hui le plus volontaire et le plus loyal, une fois couronné ne se retournera pas contre lui. Car en cas de retournement de situation, les ministres, les députés, les maires, les cadres et tous les courtisans politiques tapis dans ses partis, se rangeront sans aucun état d’âme du côté du nouvel homme fort du pays, quelle que soit cette personne. C’est dire que pour Patrice Talon et sa famille, les objectifs ne sont pas les mêmes, les attentes non plus. Alors qu’ils veulent garantir leur sécurité et celle de leur patrimoine après 2026, le club des courtisans ne cherche qu’à conserver ses avantages quel que soit le sort qui est réservé à Patrice Talon demain.

C’est ce que nous montre l’histoire récente des successions arrangées dans le même camp. C’est généralement le fidèle des fidèles sélectionné et couronné pour son zèle et sa loyauté, qui se retourne contre son bienfaiteur. C’est lui, en dépit de toute logique politique qui devient le fossoyeur des intérêts de son prédécesseur et le bourreau de sa famille.

Pour s’en convaincre, voici quelques cas parmi les plus dramatiques observés en Afrique.

Cameroun : Les regrets d’Ahidjo

Épuisé par 22 années passées à la tête du Cameroun, Ahmadou Ahidjo, premier Président du Cameroun indépendant, décide de quitter ses fonctions officiellement pour des raisons de santé en novembre 1982. Devant le dilemme qui est actuellement celui de Patrice Talon, Ahidjo décide de transmettre le pouvoir à son premier ministre, Paul Biya, tout en conservant le contrôle du parti présidentiel. Le Président Ahidjo avait pris plusieurs années pour préparer Paul Biya à la fonction. Reconnu pour ses valeurs chrétiennes, ce dernier avait occupé plusieurs postes importants dans l’administration Ahidjo avant de devenir son Premier ministre en 1975.

Seulement, pour Paul Biya, il n’y a pas d’arrangement qui tienne. Il avait son plan : il ne veut être le pantin de personne, il veut gouverner seul le Cameroun. Ainsi, dès son entrée en fonction, Paul Biya s’émancipe rapidement de la tutelle de son prédécesseur. En septembre 1983, pendant un congé en France, le Président Ahidjo est forcé de quitter la direction de l’Union Nationale Camerounaise, le parti au pouvoir. Dans la foulée, Paul Biya limoge son Premier ministre et des membres de son cabinet jugés trop proches d’Ahidjo. La rivalité entre les deux hommes s’accentue en février 1984 où, réfugié en France, Ahmadou Ahidjo est accusé de complot contre la sûreté de l’État et condamné à mort par contumace. Il ne remettra plus jamais pied dans son pays. Des années durant, Ahmadou Ahidjo mène une vie de réfugié politique entre la France et le Sénégal, où il mourra le 30 novembre 1989, dans la solitude.

Ahmadou Ahidjo est mort en exil et enterré au Sénégal. Paul Biya, l’homme que le Président Ahidjo a choisi pour lui succéder et sécuriser ses arrières, a contraint sa femme et ses enfants à l’exil et n’a jamais autorisé que l’on ramène la dépouille de son généreux bienfaiteur au Cameroun. Cruel destin !

Angola : dos Santos se croyait à l’abri de tout

En Angola, c’est l’armée et la vieille garde du MPLA qui ont montré le chemin à suivre à José Edouardo dos Santos. Après près de 40 ans au pouvoir, le Président angolais a choisi de ne plus se représenter aux élections présidentielles de 2017. Pour lui succéder, il n’a pas trouvé mieux que son fidèle compagnon : Joao Lourenço. Le dauphin de Dos Santos était alors son Ministre de la Défense. Mais Joao Lourenço fut surtout combattant de première heure du MPLA depuis 1974, aux côtés d’Edouardo dos Santos. C’est dire donc que c’est à un homme du sérail, un fidèle parmi les fidèles que le Président angolais avait décidé de transmettre le pouvoir. Ce choix sera validé par le parti pour conduire la liste du MPLA aux élections générales de 2017. En septembre 2017, Joao Lourenço est élu et prête serment comme Président de République d’Angola.

Comme au Cameroun, le nouveau Président angolais a affiché très tôt ses ambitions. Il veut tourner la page dos Santos et « faire le ménage ». Les premières victimes de sa politique sont les membres de la famille d’Edouardo dos Santos. Deux mois après son entrée en fonction, le nouveau Président limoge Isabel dos Santos, la fille ainée de son prédécesseur, de la présidence de la compagnie pétrolière nationale, SONANGOL. En janvier 2018, José Filomeno dos Santos, fils d’Edouardo dos Santos, est débarqué de la tête du fonds souverain angolais. Avant lui, les intérêts diamantifères de Sindika Dokolo, gendre de l’ancien président, ne sont plus soutenus par l’Etat. Dans la foulée plusieurs cadres politiques et militaires proches de l’ancien Président seront limogés, officiellement sous le couvert de la lutte contre la corruption.

Pourtant José Edouardo dos Santos se méfiait un peu. Peu avant son départ, il avait fait voter une loi qui gelait pendant au moins 8 années les nominations pour les postes d’encadrement dans l’armée, les services de renseignements et la police. Dans la même logique, il avait fait adopter par le parlement un texte qui le mettait à l’abri de toute poursuite judiciaire et lui assurait une retraite paisible.

De guerre lasse, puisqu’en avril 2018, moins de 6 mois après son investiture, Joao Lourenço, le dauphin chargé de pérenniser le système et de protéger le président et son clan, a limogé le chef d’Etat major des armées. Avant lui, le Chef des services de renseignements extérieurs et plusieurs hauts responsables de l’armée avaient été remerciés. Depuis lors, la famille dos Santos et beaucoup de leurs proches sont embourbés dans d’interminables procédures judiciaires. Ils ont dû s’éloigner du pays pour se garantir une vie plus ou moins tranquille en exil. Quant à Eduardo Dos Santos, il meurt à Barcelone en Espagne après plusieurs années d’isolement et laisse ses enfants seuls, sans pouvoir et sans soutien, face à celui qu’il avait choisi pour les protéger.

Mauritanie : le cauchemar de Mohamed Ould Abdelaziz

« Après avoir vainement tenté de tripatouiller la Constitution pour aller chercher un troisième mandat, il a compris que ce n’était plus possible. Il fallait donc trouver quelqu’un qui lui est très favorable ». C’est en ces termes que l’analyste politique mauritanien Abderahmane Wone réagissait le 31 janvier 2019 au micro de BBC Afrique au choix du Général Mohamed Ould Ghazouani par le Président Mohamed Ould Abdelaziz, pour lui succéder. Malgré les réticences au sein du parti présidentiel, ce dernier a su imposer comme son candidat aux élections présidentielles de juin 2019, son plus fidèle ami, son compagnon de longue date, avec qui il a mené deux (2) coups d’état réussis (2005 et 2008). Avec le soutien du Président sortant, c’est donc sans surprise que le Général Ghazouani, Ministre de la Défense a pris les rênes du pays à la suite du scrutin présidentiel de juin 2019 qu’il a remporté dès le premier tour.

Malgré toutes les précautions prises par Mohamed Ould Abdelaziz avant de quitter le pouvoir, quelques mois seulement après son départ, l’ancien chef d’état faisait déjà l’objet d’une poursuite judiciaire. Qui l’eût cru ? Le tout nouveau ancien Président est poursuivi, avec une dizaine de membres de son cercle restreint, entre autres pour corruption, blanchiment d’argent, enrichissement illicite, dilapidation de biens publics et octroi d’avantages indus. Leur procès est ouvert depuis le début de cette année 2023 au terme de 3 années d’instruction. Depuis trois (3) ans donc, l’ancien Président Ould Abdelaziz n’est plus libre de ses mouvements. En janvier 2022, pour des raisons sanitaires, il a bénéficié d’une mise en résidence surveillée avec des restrictions plus drastiques jusqu’à l’ouverture de son procès. Juste avant ces nouvelles conditions de détention, il avait été incarcéré pendant plus six (6) mois à l’Ecole de police de Nouakchott.

Le lancement de cette procédure contre l’ancien Président a permis au Général Mohamed Ould Ghazouani, nouveau chef de l’État, de sortir de l’ombre de son prédécesseur et d’affirmer son pouvoir. Mohamed Ould Abdelaziz a appris à ses dépens, que le respect et la bienveillance ne viennent pas toujours de son propre camp. Il s’est donné autant de mal, entravé une élection ouverte, méprisé son opposition, pour finir par s’infliger l’humiliation et la prison par son propre dauphin.

Madagascar : les illusions d’Andry Rajoelina

La crise politique de 2009 née du mouvement de contestation mené par l’ancien de maire d’Antananarivo, Andry Rajoelina a conduit au renversement du Président Marc Ravalomanana. Andry Rajoelina prend la tête de la Haute Autorité de la Transition et devient de facto, l’homme fort du pays. Pour conduire le pays vers de nouvelles élections, le jeune Président s’est entouré de personnalités dont plusieurs technocrates venus de la société civile. Hery Rajaonarimampianina, Expert-comptable de son état, est l’une de ses figures que Rajoelina est allé chercher pour l’aider à redresser Madagascar. Le Président de Transition en a fait le Ministre des Finances et du Budget. Aux termes d’un accord politique qui le rend inéligible pour avoir dirigé la transition, Rajoelina renonce à être candidat au scrutin présidentiel de 2013. Pour conserver le pouvoir, il choisit son Ministre des Finances pour être candidat à la présidentielle. Le président sortant met alors toute sa popularité au service d’Hery Rajaonarimampianina, qui était très peu connu de la population malgache.

Sans parti mais ouvertement soutenu par le Président de la Haute Autorité de la Transition, Hery Rajaonarimampianina devient Président de la République de Madagascar en janvier 2014. En froid avec le nouveau président, Rajoelina a très tôt renoncé à briguer le poste de Premier ministre alors que les résultats des législatives organisées dans la foulée du scrutin présidentiel avaient mis son camp en tête, avec la possibilité d’imposer un Premier ministre, Chef du gouvernement. L’ancien Président de la Haute Autorité de la Transition résumait en février 2014, la situation en ces termes au micro de RFI : “j’ai été choisi pour occuper le poste de Premier ministre (…) Mais je ne vais pas endosser ce poste”, évoquant le différend qui l’oppose au nouveau président. Il poursuit : “la voie que suit le régime actuel n’est pas très claire. Certaines personnes se sentent même trahies. Mais nous devons avancer”.

Pourquoi ces successions voulues et a priori maîtrisées ne marchent-elles pas ? Pourquoi systématiquement, un homme choisi pour sa fidélité et couronné grâce à la seule volonté du président en fonction, se retourne-t-il aussi violemment contre son bienfaiteur et sa famille qu’il était censé protéger ? A moins de 3 ans des élections présidentielles au Bénin, la question est dans la tête de Patrice Talon. Contrairement à ses proches, Patrice Talon a devant lui toutes ces scènes de trahison rappelées ci-dessus.

S’il opte malgré les risques pour cette forme de transmission du pouvoir, c’est seul, que Patrice Talon devra choisir celui qui ne lui plantera pas le couteau dans le cœur une fois installé au palais de la Marina. Il y a évidemment au Bénin, le risque que tout le régime bascule en 2026 en cas de forcing politique ou de parodie face à un peuple à bout, floué depuis des années. Le Président Talon est le premier à le savoir. Les séquelles des crises de 2019 et 2021 sont toujours là. Patrice Talon va-t-il plutôt s’en remettre aux caïds de son régime qui l’ont servi pendant ces dernières années et qui lui ont montré qu’ils n’ont pas de scrupule pour exécuter n’importe quelle mission y compris en reproduisant les scénarios angolais ou mauritanien ?

Un nouveau mandat de 7 ans ?

Face à ce dilemme le Président béninois pourrait être tenté par une autre solution qui trotte dans la tête de certains tenants du régime de la rupture : une révision constitutionnelle qui instaurerait un mandat de sept (7) ans, et qui ouvrirait la possibilité d’un troisième mandat pour Patrice Talon. Mais il s’appliquerait pour les futurs successeurs du chef de l’état actuel, comme un mandat unique. Disons-le tout de suite, malgré la configuration actuelle de l’Assemblée nationale, Patrice aura fort à faire pour y parvenir. Si rien n’est jamais impossible dans le paysage politique béninois, on peut quand même se risquer à dire que les députés démocrates lui résisteront. Le parti de l’ancien président Boni Yayi lui résistera à cette révision opportuniste de la constitution, non pas parce qu’ils le veulent. Les Démocrates résisteront et combattront à visage découvert, contraints et forcés, cette manipulation de la constitution destinée à ouvrir un boulevard à Patrice Talon, parce que les 28 députés démocrates se savent surveillés par le peuple qui n’est calme pour l’instant que parce qu’il attend 2026.  L’on peut se risquer à penser que cette deuxième option, celle d’une révision constitutionnelle qui ouvrirait à Patrice Talon un boulevard et l’opportunité d’un troisième mandat, est hypothétique. C’est une hypothèse qui est sur la table du régime, les négociations en vue de rassembler la majorité nécessaire à cette révision opportuniste de la constitution sont d’ores et déjà ouvertes. Malgré les accords timides donnés par des responsables du parti Les Démocrates et certains députés, le résultat n’est pas certain. Les Béninois n’ont pas non plus dit leur dernier mot sur le troisième mandat possible de Patrice Talon.

Ce sont ces facteurs qui font dire à certains observateurs que cette deuxième option, même si elle est à portée de main du Président béninois, reste le chemin de l’aventure, de l’incertitude et de tous les dangers pour lui-même. Car, il faut bien le reconnaître, les raisons pour lesquelles Patrice Talon peut rechercher un troisième mandat en 2026, seront toujours d’actualité en 2031 pour un quatrièmeet ainsi de suite. C’est le piège des mandats à vie que les Béninois n’accepteraient pas. Le Président Talon pourrait se retrouver dans un cercle vicieux où seule une rupture brutale conduirait à une alternance à la tête du pays. C’est la raison pour laquelle, cette hypothèse fait grincer des dents. Reste la troisième option, celle de l’alternance normale.

L’alternance normale, la solution ?

La troisième option est-elle celle de la sagesse et de la prudence pour Patrice Talon ? Elle suppose au préalable que le régime de la rupture ait confiance dans la magie de la démocratie. Au plan pratique, la mise en œuvre de cette option consisterait à organiser des élections libres, ouvertes et transparentes auxquels le gouvernement laisserait pour une fois participer les candidats de l’opposition.  Faut-il encore le rappeler, ce sont justement ces conditions qui ont fait le charme de son élection en 2016.

Mais que gagnerait le Président béninois dans ce scénario démocratique au terme duquel il n’aura pas de prise sur sa succession ? Que gagne Patrice Talon à laisser jouer la démocratie ? Que risquerait-il pour son avenir, sa sécurité, celle de sa famille et de son patrimoine ? Si beaucoup de ses proches pensent que c’est en désignant son successeur parmi eux qu’il assurera le mieux ses arrières, d’autres en revanche – ils ne sont pas très nombreux – l’encouragent à ouvrir la voie à une alternance normale qui, insistent-ils, a été quasi systématiquement source de stabilité et de sécurité pour les présidents sortants en Afrique. À part la rivalité Yayi-Talon dont les causes sont plus financières que politiques, il est en effet extrêmement rare de voir deux chefs d’État qui se sont combattus par le passé, se livrer à une guerre. Il est rare que le nouveau cherche à détruire le précédent. Au contraire, le successeur fait généralement preuve de respect et de bienveillance à l’égard de son prédécesseur. Ce fut le cas au Sénégal entre Abdou Diouf et Abdoulaye Wade en 2000 et après entre le même Wade et Macky Sall, au Nigéria entre Buhari et Goodluck Jonathan. Au Bénin, ce fut aussi le cas entre Mathieu Kérékou et Nicéphore Soglo qui malgré leurs inimitiés ne se sont jamais détruits. Aujourd’hui, au Kenya William Ruto et Uhuru Kenyatta donnent l’illustration de ce que des adversaires ne se trahissent jamais. Il y a comme un code d’honneur qui les poussent à se respecter et à se protéger.

Que va faire Patrice Talon, au regard de ces éléments ? Seul le temps nous le dira.

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