Interview exclusive : Qui est Steve Amoussou ?

(La sœur aînée du détenu s’est confiée en exclusivité à Olofofo depuis l’arrestation de son frère)

Personne ne connaissait son nom avant son enlèvement à Lomé le 12 août dernier. D’abord présenté comme la voix du Frère Hounvi, Steve Amoussou est ensuite présenté comme un simple activiste kidnappé à Lomé. Est-il le frère Hounvi ? Comment s’est-il retrouvé en exil ? De quoi était fait son quotidien ? Voilà autant de questions que se posent les Béninois depuis que son nom a fait irruption dans le débat public. Sa sœur, Ella Amoussou, a accepté de répondre en exclusivité aux questions d’Olofofo.

Olofofo : Comment avez-vous appris l’arrestation de votre frère ?

Ella Amoussou : Je vous remercie de l’occasion que vous me donnez. Mon frère n’a pas été arrêté, il a été kidnappé par des inconnus qui n’avaient manifestement ni la qualité, ni le mandat pour le faire. C’est d’ailleurs ce qu’on peut retenir du procès qui a eu lieu cette semaine à Cotonou. Pour en revenir à votre question, c’est sur les réseaux sociaux que je l’ai appris, comme pratiquement tout le monde.

OLF : Et vous l’avez reçue comment ?

E.A. : Nous avons eu très peur pour lui dans les heures qui ont suivi sa disparition. Personne ne savait entre les mains de qui il était, ni où ils l’ont emmené. On ne savait même pas s’il était encore en vie ou s’ils l’ont torturé. Ce fut de longues heures d’anxiété. Heureusement, plus tard, dans la journée du 13 août, nous avons appris qu’il était en vie et qu’il était entre les mains de la police béninoise. Au moins on savait à partir de là à qui s’en référer s’il lui arrivait quelque chose.

OLF : Parlez-nous un peu de lui

E.A. : Steve Amoussou est né le 25 février 1985 à Abomey-Calavi, en République du Bénin. Il y a grandi.Il a fait ses études primaires à l’École Primaire Publique Dangbedja A où il a obtenu son certificat d’études primaires. Après le CEP, il a commencé le collège au CEG Abomey-Calavi. Mais en 5e, il a décidé de s’essayer à la mécanique auto au Lycée Coulibaly. Après la 3e, il s’est remis au programme général en s’inscrivant en 2nde A (littéraire, ndlr). Deux ans plus tard, il échoua au Baccalauréat malgré une moyenne de 12, car en mathématiques, Steve n’a pu obtenir que 0,5. Il était un peu déçu ; il a alors décidé de partir en aventure en Israël. Huit ans après, de retour au pays, il a repassé son BAC et a été admis, ce après quoi il a s’est inscrit en Journalisme à l’Institut Supérieur des Métiers de l’Audiovisuel (ISMA).

OLF : Qu’est-ce qui l’avait amené en Israël ?

E.A. : Aller en Israël pour lui était une aventure. Là-bas, il a travaillé, il s’est imprégné de la culture et il a appris l’anglais, même s’il en a perdu un peu l’accent avec les années.

OLF : Qu’est-ce qui passionnait votre frère ? Quels étaient ses centres d’intérêt ?

Quand il était plus jeune, Steve était un passionné de football et de jeux de culture générale comme De A à Z et Questions pour un Champion, Des chiffres et des lettres. Mais sa passion pour le football s’est un peu refroidie une fois au collège. Ses passions qui n’ont pas changé avec le temps sont la lecture, l’écriture. Il veut comprendre l’essence des choses en regardant toutes sortes de documentaires, il s’informait beaucoup et discutait de l’actualité de tous genres. Steve est très cultivé, il est et demeure une personne toujours sensible aux douleurs des autres.

OLF : Comment s’est fait son engagement politique ?

E.A. : Steve n’a jamais été un politicien. Il était beaucoup plus épris de toutes sortes de leaderships qui avaient un engagement social vis-à-vis des populations. Il est une personne profondément éprise de justice, qui s’adosse fondamentalement sur les valeurs avec lesquelles nous avons été élevés. Contrairement à l’information qui pullule sur la toile, il n’a jamais été d’un bord politique. Son seul engagement politique était qu’il croyait en la démocratie.

OLF : Quel a été son parcours d’exilé politique ? 

E.A. : Avec quelques amis, Steve avait créé un petit groupe où, à travers des sketchs, ils reproduisaient et discutaient de l’actualité socio-politique et des réalités que vivent les populations dans notre pays.  Face au succès qu’a connu son groupe, ils ont commencé à recevoir des menaces. Un soir, un groupe de policiers était envoyé à son domicile pour l’arrêter. C’est cette nuit-là qu’il a dû fuir le Bénin, en laissant tout derrière lui. J’aurai du mal à vous dire exactement quand, mais quand je suis rentrée en avril 2018, il était déjà en exil.

OLF : Quels étaient ses principaux soutiens politiques ?

E.A. : J’avoue que je ne lui connais pas de soutiens politiques.

OLF : Comment vivait-il son exil ? 

E.A. : Être forcé à l’exil est une expérience difficile. Il voulait être plus près de sa famille, surtout de notre mère. Sa famille lui manquait beaucoup, surtout qu’il ne pouvait pas toujours participer aux événements familiaux et se sentir entouré.

OLF : De quoi vivait Steve ?

E.A. : Steve a toujours été bon orateur et excellent à la rédaction de textes. Il corrigeait des mémoires et rédigeait des discours. Mais ce n’était pas un revenu financier suffisant. Du coup, je lui envoyais de l’argent régulièrement pour qu’il subvienne à ses besoins. Ce qui rend les affabulations de fraude contre lui ridicules.

OLF : Est-il marié ? A-t-il des enfants ? Si oui, combien ?  

E.A. : Steve est célibataire sans enfant parce qu’il croit en la nécessité d’offrir un monde meilleur aux enfants. Fonder une famille en étant en exil, loin de sa famille, ce n’était pas envisageable pour lui, surtout qu’en tant qu’exilé il endurait déjà lui-même le poids de cette solitude.

OLF : Vos parents vivent-ils encore ? 

E.A. : Nous avons perdu notre père, très jeunes. Notre mère est le seul parent qu’il nous reste. Cela rend cette situation encore plus difficile, mais notre mère est une femme formidable. C’est même elle qui nous encourage et prie pour nous chaque matin, et ce, même durant cette épreuve.

OLF : Quel impact son exil a-t-il eu sur elle ?

E.A. : Quand votre enfant choisit d’aller vivre sous d’autres cieux, c’est une chose. Mais quand il est forcé à abandonner sa famille, c’en est une autre. C’était une expérience difficile pour notre mère, mais au moins elle le savait libre, en “sécurité” et en paix. Malheureusement, tout ceci a été remis en cause…

OLF : Comment votre mère vit-elle la situation actuelle de votre frère ?

E.A : Notre famille entière en souffre, et c’est un supplice pour notre mère qui s’en remet grandement à la fidélité de Dieu. En ce qui concerne tout le bruit autour de lui et de son enlèvement, nous en faisons fi. Nous sommes sa famille et nous le connaissons. De plus, tous ceux qui ont eu la chance de le connaître ne nous ont jamais appelés pour savoir si telle ou telle information était avérée. Ils savent comme nous que des gens sont activement à l’œuvre pour ruiner sa réputation et tuer l’intérêt des populations pour son dossier. Heureusement, malgré le bruit, la grande majorité n’est pas dupe de ces agissements. Steve ne consomme pas d’alcool, il a toujours préféré une petite bouteille de sucrerie et c’est connu de ses proches. Qu’il fasse partie d’une arnaque est d’une énormité que je ne saurais exprimer. La parole d’un ravisseur qui a failli lui prendre la vie ne devrait pas peser pour ceux qui ont encore une certaine intégrité, un sens de la justice et qui valorisent la vie et les droits humains. Et même si on présentait des prétendues “preuves”, elles ne seront acceptées que par ceux qui mettent autant d’efforts à le voir condamné pour une raison ou pour une autre. Nous, nous savons qui Steve Amoussou est, c’est cette vérité qui nous motive et c’est elle que nous défendons.

OLF : Merci beaucoup, madame.

E.A. : C’est à moi de vous remercier.  

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