Contrôle du port de casque au Bénin : à qui profitent les violences policières ?

Contrôle du port de casque au Bénin : à qui profitent les violences policières ?

Au Bénin, l’opération de répression des infractions routières prend une tournure inquiétante. Démarrée le 02 mars 2024, elle semble devenir un terrain de chasse et d’affrontement entre les agents de la police et les populations civiles. En à peine deux mois et le casque qui était censé protéger les vies, en cause parfois la perte.

Coffi Eganhoui

Policiers et usagers de la route, notamment les motocyclistes, semblent se regarder en chiens de faïence depuis que la répression du non-port de casque a démarré sur toute l’étendue du territoire national. Les premiers, dans l’exercice de leur mission de sécurité, surveillent et traquent les seconds qui ne ratent pas la moindre occasion de les humilier.

Depuis que cette opération a démarré, début mars, les victimes se comptent aussi bien dans le rang des policiers que des motocyclistes. Le cas le plus alarmant est la bastonnade d’un homme à Natitingou par quatre policiers le vendredi 12 avril 2024. La scène qui a été filmée par un témoin est devenue virale sur Internet au point que la justice s’en est mêlée. C’est ainsi que les policiers auteurs de cette violence se sont retrouvés sous mandat de dépôt pour abus de fonctions. Mais avant cela, de pareils événements se sont produits un peu partout dans le pays. A Azowlissè, dans le département de l’Ouémé par exemple, le mercredi 03 avril, une bastonnade pour non-port de casque a dégénéré en un affrontement qui a causé des pertes en vies humaines. La police, dépassée, a dû recourir au renfort de l’armée pour se tirer d’affaire.

Lorsqu’il n’y a pas de bastonnades ou de bavures avec un zèle qui pousse les policiers à aller verbaliser des motocyclistes jusque dans leurs concessions, c’est à des scènes d’humiliation que des pères de famille sont soumis. C’était encore le cas le week-end écoulé à Cotonou, sur des images diffusées sur Facebook où l’on aperçoit un conducteur de taxi-moto à genou en face de deux policiers sur le terre-plein central à Akpakpa.

Mais les victimes ne sont pas toujours les civils. Ces derniers qui, pour la plupart, n’arrivent pas à joindre les deux bouts au quotidien, déplorent la surenchère du coût des casques depuis que la répression a commencé et le montant « trop élevé » de la contravention qui est fixé à 10 mille francs. Dans les milieux urbains, un effort est fait tout de même pour se conformer à la règle, contrairement aux zones rurales où la police est souvent défiée par certains citoyens. À titre illustratif, à Azovè, dans la commune d’Aplahoué, le 31 mars 2024, un motocycliste voulant échapper à la contravention n’a pas hésité à foncer droit sur le commissaire de police qui tentait de l’arrêter pour le verbaliser. La violence du choc a fait que l’officier supérieur de police a eu la jambe presque fracturée avec de graves blessures qui l’ont conduit à l’hôpital. À Cotonou, c’est plutôt un commissaire d’arrondissement qui s’est vu limogé en début de semaine, en représailles du zèle répété de l’un des policiers placés sous son commandement.

Et pourtant, la mesure répressive engagée par les responsables de la Police Républicaine vise à protéger la vie des motocyclistes en cas d’accidents. Mais derrière, il semble se cacher une volonté des pouvoirs publics de saigner les poches des Béninois qui peinent déjà à se nourrir convenablement pour la grande majorité. Une partie de l’opinion ne se ménage même plus en affirmant que cette répression vise à combler le vide occasionné par l’abandon du port de Cotonou par la junte militaire qui dirige le Niger. Jusque-là le gouvernement n’a entrepris aucune mesure pour agir sur le prix des casques afin de les rendre accessibles à tous les usagers de la route.

Policiers et civils sont depuis livrés, les uns aux autres, dans des rapports conflictuels. Alors que les deux parties sont appelées à travailler en vue du maintien de la sécurité, le sentiment d’insensibilité des autorités à la souffrance des citoyens constitue un blocage à la bonne marche de l’opération. Cette situation laisse dans l’esprit des populations « un amer sentiment d’être en guerre avec la police ».

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