Depuis le désengagement militaire de la France dans les pays de l’AES (Mali, Niger et Burkina Faso), l’heure n’est pas encore à l’accalmie. Dans ces pays sahéliens, les attaques perpétrées par les Groupes Armées Terroristes (GAT) sont plus que jamais d’actualité actant un constant d’échec de leur partenariat avec la Russie…
Une Contribution de Nathan BEUGRÉ
Profitant du rejet important des forces françaises de l’opération Barkhane par les gouvernements de transition au Mali, au Burkina Faso et au Niger, la Russie s’est engouffrée dans la faille laissée par le retrait de la France au Sahel. Le pays qui comptait réinvestir le continent qu’elle a délaissé depuis l’effondrement de l’Union soviétique grâce à la présence de Wagner, la société de sécurité d’Evgueni Prigojine. Si le groupe opère désormais sous le label Africa Corps depuis décembre 2023, le changement de nom n’a pas toutefois suffit à venir à bout des groupes armés qui plombent la situation sécuritaire dans la région.
Une dégradation continue de la situation sécuritaire
Le 17 septembre dernier, le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GISM) affilié à Al-Quaïda réalisait une double attaque contre une école de la gendarmerie et une base militaire à Bamako. Cette attaque qui aurait fait 77 morts et 255 blessés selon une source locale contactée par l’AFP est la plus meurtrière jamais organisée dans la capitale malienne.
Au-delà du bilan macabre qui est à déplorer, cet acte terroriste a valeur de symbole. Il survient en effet au lendemain de la célébration de la première bougie de l’Alliance des États du Sahel (AES), pacte de défense fédérant le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
De quoi rappeler non seulement aux autorités maliennes mais aussi à ses alliés que le chemin sera encore long dans la lutte contre le terrorisme même avec le soutien de la Russie. Alors que le groupe Wagner a fait son entrée au Mali vers la fin 2021 et au Burkina Faso en 2023 au Niger en avril, la situation sécuritaire reste encore critique.
Entre le second semestre 2023 et le premier semestre 2024, le nombre de civils tués durant les attaques terroristes au Sahel est passé de 2 500 à 3 000 selon l’ONG Acled. Au Burkina Faso, les autorités n’arrivent toujours pas à faire face aux insurrections du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda et de l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS).
D’après les données de l’Acled, le GSIM opèrerait actuellement dans 11 des 13 régions du pays des Hommes intègres. Si le président Ibrahim Traoré qui a pris le pouvoir en septembre 2022 a multiplié le recours aux Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), les autorités sont aux abois.
D’après la firme indépendante The Soufan Center (TSC), plus de la moitié du territoire est hors de contrôle du gouvernement. Du côté du Niger, la situation sécuritaire s’est détériorée sur le dernier trimestre de 2024. Dans le pays dirigé depuis juillet 2023 par un régime militaire arrivé au pouvoir par un coup d’État contre le président élu Mohamed Bazoum.
Une multiplication des bavures
Si l’efficacité de la collaboration entre la Russie et les pays de l’AES restent à prouver dans la lutte contre les GAT, les exactions contre les civils sont quant à elle clairement visibles sur le terrain. Sur les 3 dernières années, les bavures se sont multipliées dans les États du Sahel aussi bien de la part de Africa Korps que des forces armées contribuant ainsi à la dégradation du climat sécurité.
Dans un rapport publié le 12 décembre, l’ONG Human Rights Watch révèle que les forces armées maliennes et le groupe Wagner ont délibérément tué au moins 32 civils, dont 7 lors d’une frappe de drone, en ont fait disparaître 4 autres et ont incendié au moins 100 maisons lors d’opérations militaires dans des villes et des villages du centre et du nord du Mali.
Ce rapport s’ajoute à une précédente révélation de l’ONG qui indiquait en mars 2024 que les forces armées maliennes et les combattants étrangers du groupe Wagner ont illégalement tué et sommairement exécuté plusieurs dizaines de civils au cours d’opérations de contre-insurrection dans les régions du centre et du nord du Mali depuis décembre 2023.
« Non seulement le gouvernement militaire de transition du Mali, soutenu par la Russie, commet d’horribles abus, mais il cherche également à supprimer tout contrôle indépendant de sa situation en matière de droits humains », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse principale sur le Sahel à Human Rights Watch.
De même au Burkina Faso, HRW a indiqué que les forces progouvernementales, dont des militaires et des VDP, ont tué illégalement ou procédé à des disparitions forcées de centaines de civils lors d’opérations de lutte contre l’insurrection.
Plus récemment le 21 janvier dernier, le Niger, le Burkina Faso et le Mali ont annoncé la création d’une force conjointe de 5 000 soldats pour lutter contre les groupes armés terroristes. Parallèlement, la Russie a livré une dizaine de chars et de blindés au Mali vers la mi-janvier. Une opération d’ampleur par la taille du convoi du matériel russe mais qui n’est pas inédite. Déjà au début de l’année 2023, des hélicoptères de combat et de transport de troupes de même que des avions de chasse avaient été déjà livrés. Mais cela ne s’est pas encore traduit concrètement sur le front de la lutte contre le terrorisme. Alors que la Russie a perdu son allié syrien Bachar Al-Assad dont le régime s’est écroulé le 8 décembre dernier, cette dernière manœuvre pourrait avoir pour objectif de rassurer les partenaires maliens sur la capacité de soutien du Kremlin. Quoiqu’il en soit, la chute de Bachar Al-Assad a déjà clairement montré des limites de la coopération sécuritaire entre la Russie et ses alliés. Les pays de l’AES sont prévenus…