Au magazine Jeune Afrique, Patrice TALON a énoncé les raisons qui motivent son refus de faire libérer les prisonniers politiques béninois dont Reckya MADOUGOU et Joël AÏVO. Il dit vouloir être juste et équitable, qu’il est décidé à traiter au même pied d’égalité tous les concitoyens en prison, n’étant pas du tout partant pour un traitement de faveur pour une catégorie de détenus au détriment d’une autre.
Pourtant, derrière de si belles déclarations, beaucoup d’observateurs politiques dénichent une énorme manipulation psychologique. Selon ces derniers, Patrice TALON a intérêt à œuvrer pour apaiser la tension sociale surtout qu’il prétend être en fin de règne. Il devrait travailler à calmer les ardeurs, comme l’a fait d’ailleurs son prédécesseur, Thomas Boni YAYI, qui n’a pas hésité à abandonner toute poursuite contre lui malgré les dizaines de procédures pendantes le concernant devant les juridictions.
Le douloureux dossier d’empoisonnement, malgré la confirmation du juge Houssou avec les preuves, à travers son livre, intitulé “Je ne suis pas un héros”, n’a nullement poussé Thomas Boni YAYI à l’inquiéter davantage. Faire exactement le contraire des actions pacifiques de son prédécesseur (des actions dont il a largement joui et qui l’ont aidé à rentrer au bercail et s’installer au palais de la Marina) apparaît comme une entorse à la normalité, une ingratitude qui fait de lui un personnage que d’aucuns redoutent.
Des dirigeants plus farouches que lui ont étonné le monde entier en s’illustrant à la fin de leurs règnes comme de réels pacificateurs. Reckya MADOUGOU, Joël AÏVO et autres n’étant pas des voleurs, n’ayant pas du sang sur les mains et n’étant pas coupables de détournement de deniers publics … devaient être amnistiés ou graciés car nul n’ignore que leur détention est purement politique.
La sincérité de Patrice TALON est surtout remise en cause étant donné les restrictions extrêmes imposées à Reckya MADOUGOU en détention. Depuis quatre ans, elle n’a pas le droit de téléphoner à ses enfants et ses proches, d’avoir une radio et un téléviseur, de recevoir des visites sans autorisation du procureur de la CRIET… Bref, elle est assujettie à une batterie de mesures punitives qui font penser que sa détention est hautement politique. Alors, de quelle justice parle Patrice TALON si cette justice ne voudrait pas que Reckya MADOUGOU jouisse des mêmes conditions de détention que les autres détenus ? En vérité, il ne s’agit là d’aucune équité et cela fait plus penser à une obstination qui cache des non-dits.
Le maintien de Reckya MADOUGOU et de Joël AÏVO en prison apparaît plus comme une tentative de contenir des forces politiques de l’opposition comme cela se fait avec le nouveau Code électoral et toutes les manœuvres de musellement et d’exclusion de l’opposition. Patrice TALON voudrait donc poursuivre ses exactions et exclusions sans être inquiétés lors des prochaines élections générales. Il choisit donc d’être ferme et injuste avec les opposants en prison tout en prétendant vouloir être juste.