Bien qu’il ne soit plus actif sur l’échiquier politique de son pays, Omar Arouna ne cesse de partager ses idées sur la situation sociopolitique nationale. Ce 13 avril 2025, l’ancien ambassadeur du Bénin près les États-Unis d’Amérique a livré une réflexion sur son parcours et les désillusions politiques accumulées au fil des décennies. Intitulée « Entre engagement et désillusion : ce que l’histoire ne dit pas », cette tribune est bien plus qu’un retour sur une carrière diplomatique, c’est un cri du cœur, un acte de mémoire et une dénonciation lucide d’un système qui semble condamner l’engagement sincère à l’échec.
Sa réflexion a commencé par une mise au point sur la perception erronée que certains avaient de sa nomination. Dans ses explications, Omar Arouna ne se considère pas comme quelqu’un qui se contente d’un simple rôle protocolaire. Bien avant sa nomination officielle par le Président Boni Yayi en 2014, comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Bénin près les États-Unis d’Amérique, rappelle-t-il, il œuvrait déjà dans l’ombre pour faire rayonner le Bénin sur la scène internationale. À travers des rencontres clefs avec des Présidents successifs, Nicéphore Soglo, Mathieu Kérékou et Boni Yayi, Arouna retrace une trajectoire marquée par un engagement profond, souvent ignoré, parfois nié, mais toujours présent.
De la coordination d’initiatives économiques novatrices comme Porto 2002, à son rôle clé dans la genèse du Millennium Challenge Compact, l’homme rappelle que les actes précèdent souvent les titres. Ce passé engagé donne toute sa légitimité à sa nomination, contrairement aux critiques émanant de ceux qui n’ont pas su voir au-delà des apparences.
Une fresque politique désenchantée
Mais c’est surtout dans la deuxième partie de sa réflexion que sa parole prend un ton plus grave, presque testamentaire. « Plus de trente ans après, avec le recul, je regarde la trajectoire de notre pays et je ne peux m’empêcher de m’interroger », écrit-il. Il dresse alors le bilan amer d’une génération politique qui, à ses yeux, a échoué à incarner une véritable vision pour le pays. De Soglo devenu laudateur du régime Talon, à Amoussou écarté sans élégance, en passant par un Yayi affaibli et un Houngbédji réduit à un simple échange de mercato politique, aucun des grands noms de l’histoire récente n’échappe à cette remise en cause.
Le regard est dur, mais il n’est pas arbitraire. Il est celui d’un témoin privilégié, d’un homme qui a vu l’espoir se transformer en compromis, puis en cynisme et enfin en silence. « Je me demande si ce pays connaîtra un jour l’honneur de ceux qui gouvernent pour autre chose que leur propre survie », écrit-il. Cette phrase, simple en apparence, résonne comme une mise en accusation du système politique béninois contemporain, un système où l’idéalisme semble condamné à la marginalité, où les carrières se construisent moins sur les idées que sur les allégeances, et où l’État devient un terrain de jeu fermé à ceux qui refusent de courber l’échine.
Pour lui, l’histoire a tendance à oublier les coulisses. Elle glorifie les figures officielles, gomme les luttes invisibles et les sacrifices anonymes. À travers ces mots, Omar Arouna rappelle que l’engagement réel, celui qui ne cherche ni poste, ni prestige, finit toujours par laisser une trace, même silencieuse. Et c’est peut-être dans cette histoire non écrite, que le Bénin pourra, un jour, puiser la force de se réinventer.