Le Tribunal de Commerce de Cotonou a récemment tranché un litige qui oppose Mme A.L. Mathilde, gérante de la société Freedom Palace SARL, à la Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement et le Commerce (BSIC BENIN SA). Ce conflit, marqué par des accusations de pratiques bancaires douteuses, tourne autour d’un chèque certifié de 89.027.500 FCFA, dont l’authenticité était mise en doute, ainsi qu’une créance de 171 millions FCFA que la banque imputait à sa cliente.
Cette affaire qui combine des enjeux civils et une action pénale en cours a commencé en 2018, lorsque Mme Mathilde avait contracté plusieurs prêts auprès de la BSIC BENIN SA pour financer ses activités. La banque, estimant qu’elle devait la somme de 171.067.869 FCFA, avait exigé une dation en paiement, un mécanisme par lequel Mme Mathilde avait transféré un bien immobilier d’une valeur de 442.655.500 FCFA pour régler la créance.
Toutefois, après une analyse minutieuse, Mme Mathilde découvre plusieurs anomalies dans les prélèvements effectués sur son compte, notamment un chèque certifié de 89.027.500 FCFA, qu’elle affirme ne pas avoir signé.
Les expertises graphologiques, ordonnées par le tribunal de commerce de Cotonou, ont confirmé que ni la signature ni les écritures du chèque en question n’étaient authentiques. Ce résultat remet en cause la validité de la créance de la banque et entraîne une réévaluation du montant réel de la dette. À cet effet, le tribunal a fixé le montant de la créance à 40.717.396 FCFA, bien en deçà des 171 millions FCFA que la BSIC BENIN SA avait initialement réclamés. Cette décision révèle des pratiques bancaires douteuses et pose la question de la responsabilité de la banque dans la gestion de ses dossiers.
Des pratiques douteuses et un manque de professionnalisme
Cette affaire met en lumière plusieurs irrégularités qui soulignent un manque flagrant de professionnalisme dans les opérations de la BSIC BENIN SA. La banque a non seulement permis l’émission d’un chèque dont la signature était fausse, mais elle a aussi persisté à soutenir la créance contestée, malgré l’expertise confirmant la fraude. Elle a demandé une nouvelle expertise pour vérifier la signature, ce qui montre une volonté de prolonger indéfiniment le conflit, au lieu d’assumer ses erreurs initiales et de corriger rapidement la situation.
Les pratiques bancaires peu scrupuleuses ne se limitent pas à la gestion des chèques. L’inexactitude des montants réclamés et la dation en paiement excessive, largement supérieure au montant réel de la dette, laissent également planer des doutes sur l’intégrité des opérations de cette banque. En refusant de reconnaître les erreurs de gestion dans le dossier de Mme Mathilde, la BSIC BENIN SA semble privilégier des stratégies procédurales pour éviter de prendre ses responsabilités.
Une décision équilibrée, mais insuffisante
Le tribunal de Commerce de Cotonou a rendu un verdict qui, bien que favorable à Mme Mathilde en réduisant considérablement le montant de la créance, n’a pas annulé la dation en paiement. Ce refus a été justifié par la nature juridique de l’accord, selon laquelle la lésion ou l’erreur économique invoquée par la demanderesse ne sont pas applicables en droit. De plus, la demande de 200 millions FCFA qu’elle a formulée pour dommages et intérêts en raison du préjudice moral et financier a été rejetée, faute de preuves tangibles.
Ainsi, bien que la décision ait permis de rectifier certains aspects du dossier, le tribunal n’a pas pu réparer totalement les préjudices subis par Mme Mathilde, notamment en ce qui concerne la dation en paiement et les dommages financiers.
Cependant, la BSIC BENIN SA a porté plainte contre Mme Mathilde pour escroquerie et faux en écriture. Une décision qui montre qu’elle semble vouloir dévier la responsabilité en poursuivant une action pénale, tout en omettant de rectifier les dysfonctionnements internes ayant conduit à ce litige. Si la procédure pénale en cours devant la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET) pourrait encore éclairer certaines zones d’ombre de cette affaire, elle permettrait certainement de relever également les pratiques douteuses et la négligence de la part de la banque dans ses opérations financières.